Disque Bout d’ficelle

 

 

01. On n’a pas tous les jours 20 ans

Chanson collectée par Hélène Cœur, 1min01

J’ai rencontré Colette à Orly en 2007. Retraitée de la haute couture, elle a connu tout le parcours des cousettes, l’amour du travail bien fait, le flou, le tailleur, les ateliers. Elle a encore le goût pour les belles matières et ses yeux brillent quand elle évoque « le luxe, le luxe, bien sûr, mais ce n’était pas pour nous, c’était trop beau… On travaillait dur, pour gagner très peu. On prenait une idée par-ci par-là, on n’avait pas le droit de copier, mais le dimanche, je cousais mes toilettes, j’aimais sortir, j’avais toujours des compliments sur mes tenues ».

« On n’a pas tous les jours vingt ans »
Paroles de Fernand Pothier – Musique de Léon Raiter
© Les Nouvelles Éditions Méridian

02. Impressions textiles

Puzzle sonore de Quentin Mercier et Benoit Muller, 6min13

Au départ, une idée complexe de casse-tête sonore, puis un retour au réalisme, entre parole et silence. Au final, une forme très simple, le montage de deux voix d’une même génération : Gérard Yeznikian, propriétaire du magasin « Aux belles étoffes » à Besançon depuis les années 1960 (à la retraite, il vient toujours aider sa fille qui a repris l’affaire) ; Pierre Muller, chimiste retraité de l’industrie textile en Alsace, spécialisé dans les tissus africains. Un dialogue imaginé dans une composition au fil narratif en pointillé : des séquences de vies professionnelles mêlées à des sentiments intimes. Des impressions sensibles. Un jeu de piste pour relier deux vies fragmentées. Pas besoin de dessin, une histoire schématique à reconstituer soi-même, un puzzle sonore de Benoit Muller (le grand-père) et Quentin Mercier (le magasin d’à côté).

03. Frottements

Musique de Jack In My Head, 5min10

Morceau pour étoffes, violoncelle et quelques notes de piano… Les différents tissus sont caressés, froissés, tapotés voire frappés, et viennent dialoguer avec les cordes du violoncelle ou du piano – pour aboutir à une sorte de « blues urbain cotonneux ».

Crédits : Erwan Martinerie

04. Chez Bachelor, roi de la Sape

Documentaire de création de Céline Laurens, 6min04

La sapologie est la réappropriation des codes vestimentaires des dandys occidentaux par les Congolais.e.s. Jusqu’à présent, les sapeurs s’approvisionnaient auprès des grandes marques vestimentaires occidentales. Bachelor a créé la première marque congolaise de Sape, Connivences, et tient sa boutique Sape & Co à Paris, 18e. Émilien, membre du collectif Jef Klak, se fait initier à la science-sorcellerie vestimentaire du Bachelor ; entre cabine d’essayage et rayonnage de costumes trois-pièces… Voir l’article « Je cocotte, mais c’est la classe » dans le numéro « Bout d’ficelle » de Jef Klak.

05. Le carnaval est terminé

Extraits d’entretiens avec Georges Courtois, malfaiteur professionnel, par Clémence Durand et Ferdinand Cazalis, 2min32

Bandit lyrique et malicieux, Georges Courtois a passé la moitié de sa vie en prison. Dans l’« Autoportrait en cagoule » qu’on pourra lire dans le numéro Bout d’ficelle de Jef Klak, il raconte sa vie, ses braquages, ses lettres d’insultes aux magistrats et son grand jour : lorsque le 19 décembre 1985, il a pris en otage la cour d’assises du tribunal de Nantes avec Karim Khalki et Patrick Thiolet. Le tout pendant 34 heures et devant les caméras de FR3. Dans ce court montage, il nous fait part de quelques-unes de ses aventures, avec pour fil conducteur le tissu…

Montage : Céline Laurens

06. La Veste

Chanson de Chtoff, 2min16

Avec le timbre d’un Vladimir Vissotski à la sauce parisienne, Chtoff traîne parfois encore ses guêtres dans les rares cabarets qui ont su résister à la branchitude de la capitale. Chansons à boire et chansons d’espoir, textes drôles et savoureux parcourant les thèmes de l’amitié, de la galère ou des amours perdues, il reprend ici un classique de son compatriote, Boulat Okoudjava. Commençant à écrire dès 1956, mais autorisé à l’ouvrir seulement en 1970, ce barde, souvent surnommé le Brassens russe, est l’un des artistes les plus populaires de l’époque soviétique.

Chant et guitare : Chtoff
Prise de son : Mathieu Touren
Paroles et musique : Boulat Okoudjava
Traduction : Serguei Saoulski

07. Ici le combat de Lejaby

Improvisation collective sur une trame composée à partir de textes sur les conflits des Lejaby (en particulier pendant l’année 2012), par la Radio Cousue Main, 9min05

Pour une fois, la Radio Cousue Main n’est pas à la radio mais sur un CD. Pour l’occasion, nous avons eu la chance de jouer dans un grand studio avec trois micros, mais fidèles à nos contraintes de jeu, nous avons enregistré en une seule prise, dans les conditions du direct et selon un dispositif simple inspiré des débuts de la radio.
Dans les journaux, imprimés ou audiovisuels, sur Internet, on a beaucoup parlé du conflit des Lejaby, en 2012, alors que l’élection présidentielle approchait. Témoignages d’ouvrières, récits journalistiques, justifications économiques, revendications sociales, avis d’experts, discours politiques, comptes-rendus plus ou moins « objectifs » : tous ces mots (et rien que ces mots) récoltés sur Internet ont été agencés dans une partition textuelle pour réactiver « le combat des Lejaby ».

Cette partition a servi de base à une improvisation collective de la Radio Cousue Main (voir la partition).

08. Des brebis, des fileuses

Documentaire de création, de Céline Laurens, 8min01

Au temps des hydrocarbures, polyamides, polyester, polypropyles et autres composés chimiques, combien sont les éleveurs prêts à jeter la laine de leur troupeau qui a tant perdu de sa valeur ? Donner à entendre aujourd’hui les brebis et les fileuses s’impose.

La Fibre Textile est un collectif d’amateurs-professionnels, composé d’éleveurs et d’éleveuses, de fileur.euses, de tisserand.e.s, de teinturier.e.s, de feutrier.e.s… Réuni.e.s autour d’une passion commune pour les fibres naturelles, ils et elles échangent entre eux gestes et savoir-faire – et le partagent le plus largement possible. Ici, perpétuer les savoirs d’une filière textile artisanale de l’élevage à la couture ne se réduit pas à la muséification, mais esquisse les prémices d’une recherche d’autonomie et du plaisir de faire ensemble.

Merci à Isabelle B., Isabelle N., Annick et Dominique.

Plus sur le site la-fibre-textile.com.

09. Agrigento

Musique électroacoustique de Marco Marini (version inédite composée pour Jef Klak, d’après une pièce originale de 22min.), 5min35

Un tissu que l’on touche, que l’on frôle ou que l’on chiffonne, fait des bruits, des bruissements plutôt. Mais celui dont joue Marco Marini est d’un tout autre type : son toucher produit des sons électroniques, avec un mystérieux procédé. Le caressant de la main, appuyant par endroits, usant de gestes prompts ou ralentis, le musicien peint tout un paysage sonore qui se dévoile au fil de ses mouvements – ici, ce sera une ville de Sicile. Cette pièce électroacoustique a été composée en prenant pour point de départ un tableau du peintre Nicolas de Staël, Agrigente (1953) (nom de la ville en question). Marco Marini nous donne à écouter une exploration inédite de la correspondance entre densité sonore et espace pictural. Voir son entretien dans le numéro Bout d’ficelle de Jef Klak.

10. Les rempailleurs

Pièce radiophonique d’Émilie Mousset, 9min20

Rempailler, « recanner », réparer des chaises, c’est ce que font les ouvriers d’un atelier de Toulouse – des gestes répétitifs qui prennent du temps, pour redonner vie à des assises trouées. Ils touchent, tissent, relient, répètent avec précaution et douceur les rites d’un métier en train de disparaître… D’autant plus patiemment que dans ce métier-là, tout est affaire de toucher. Aveugles ou mal-voyants, ils sont formés et employés ici ; l’atelier est petit, il y a la place pour parler, s’écouter – et faire chanter la paille, écouter ses gestes et ceux des autres. Une histoire de lien, de raphia et de rotin, de mains qui réparent et redonnent une assise.

Merci aux salariés de l’entreprise Deltapaille :
messieurs Bijoux, Hoareau, Kara, Hérault, Sabrié.

11. Sur le fil du dépouillement

Rêverie documentée de Sigolène Valax, 4min46

Fil rouge de l’improvisation : apprivoiser le bruit, fabriquer une musicalité en s’emparant d’objets obsolètes, de déchets recyclés, de corps sonores mis au rebut. Comment fabriquer une musique à partir d’un « presque rien » et interroger la nature musicale des matériaux bruiteux, en révéler les sonorités organiques, les résonances écorchées ?

Pascal Battus s’intéresse à un mode de production sonore où l’instrument passe par un laboratoire de démontage, de mise en pièce et de recomposition poétique. Il désosse des objets manufacturés, les réassemble et conçoit sur mesure des sonorités brutes, denses et amplifiées. Ces dispositifs peuvent être inattendus, l’enveloppe sonore n’en est pas moins soyeuse de sens. Il triture les codes de l’interprétation. Sous son impulsion, chaque élément sonore libère sa plus simple expression et crée des interférences dans la géographie sonore d’une mécanique rudimentaire, bruitiste et expérimentale.

12. Premier de cordée

Documentaire de Marie-Noëlle Battaglia et Pol Chailloux, 10min47

À Marco disparu en montagne quelques mois après la réalisation de « Premier de cordée », une rencontre marquante au-delà d’un documentaire. Merci pour ces aventures poétiques, drôles et passionnées, face au micro ou baudrier à la taille.

Première expérience d’une course en montagne : grimper piolet en main et crampons aux pieds un couloir enneigé, reliés les uns aux autres par une corde. Loin de l’image d’Épinal du « premier » de cordée, on parle surtout de la cordée comme d’un ensemble ou d’un tout ; un certain rapport à la vie, la confiance entre les compagnons de cordée, les risques propres à la montagne – et la fascination qu’elle peut susciter.

Merci à Marco, Nicolas et Matthieu.

13. Fila la lana

Chanson presque cachée de Cosimo Lisi et Adrien Joly, 2min57

À partir de la version de Fabrizio De André (1940-1999), cette chanson a été reprise à la volée, un soir d’hiver réchauffé par le chianti. La plupart des textes des chansons de De André racontent les histoires d’exclus, de rebelles et de prostituées. Considérées comme d’authentiques poésies, ses œuvres sont incluses dans les anthologies scolaires de littérature italienne. D’inspiration anarchiste, il enregistra treize albums en 40 ans, en valorisant des langues mineures comme le ligure, le napolitain et le gallurais. Il traduisit également de nombreuses chansons en italien, dont les textes de sa principale source d’inspiration : Georges Brassens.
C’est en voulant se nourrir de chants médiévaux que De André tombe un jour sur la chanson de Robert Marcy, mais il la croit d’un autre siècle, avec ses airs de chants pour troubadours, et il ne prend pas la peine de s’enquérir des droits éventuels. Depuis, la chanson « File la laine » est la plupart du temps attribuée au chanteur italien. Jef Klak tient à rappeler sa véritable origine : chanson à textes du parolier et compositeur Marcy, elle a été notamment interprétée par Isabelle Aubret et Jacques Douai dans les années 1950. Si la version adaptée de De André en a accentué la teneur antimilitariste, l’originale gagne en douceur et en poésie.

Un grand merci à Duccio Scotini pour nous avoir mis sur la piste, et à Robert Marcy pour nos correspondances et son aimable autorisation.

Chant et guitare : Cosimo Lisi
Cajon et rythmique : Adrien Joly
Sabots de chèvre : Ferdinand Cazalis
« File la laine »
Paroles et musique de Robert Marcy
© Warner / Chappell Music France – 1957

Bonus Track. Couture Flou

Reportage de Léa Aurenty, 5min02

Quelques heures passées là avec un enregistreur, et quelques coups de ciseaux dans la bande : on découvre une classe de CAP Couture Flou, dans un lycée pro à St Denis. Au milieu des bruits de machines à coudre et des fers à repasser, on s’accroche à un cours, puis parfois on reste en suspens. Il y est question d’une cigale, d’une souris, de robes, de bouches qui papotent et qui racontent comment elles sont arrivé là.