9 octobre 2017

La Catalogne entre deux feux Suivi de « Indépendance : bien au-delà d’un État en soi » Par Ivan Miró

Photo de Une : Carles Palacio, Girona. Via La Directa.

Dimanche 1er octobre, jour du référendum pour l’indépendance de la Catalogne, jugé illégal par le Tribunal constitutionnel de l’État espagnol, plus de deux millions de Catalan.es se sont rendu.es aux urnes, accueilli.es par de violentes charges policières. Les déclarations du président Mariano Rajoy « fier de l’action de la police », celles du roi (« Le problème en Catalogne, c’est les indépendantistes ») et le soutien des socialistes libéraux et journalistes d’État creusent encore le fossé. Face aux aspirations à l’autodétermination, les autorités espagnoles refusent tout dialogue et cherchent à imposer le statu quo par la force. Pour comprendre ce qui s’est passé ces derniers jours, voici le témoignage d’un français qui a vécu les événements depuis Barcelone, suivi de la traduction d’un article datant de 2012, montrant deux visions de l’indépendance qui coopèrent et s’affrontent tour à tour : social-libéral versus libertaire-révolutionnaire.

(Si vous avez manqué les épisodes précédents,
vous pouvez lire sur Jef Klak
« Dret a decidir. La Catalogne sur le chemin de l’indépendance »
Par Ferdinand Cazalis)

« Si les élections pouvaient changer la vie, elles seraient interdites », ironise un vieil adage anarchiste. Ces jours-ci, le paradigme s’est d’une certaine manière inversé : c’est parce que ce référendum a été déclaré illégal qu’il a constitué un moment de rupture aussi intense. Organisé de manière semi-clandestine, il a remis en marche des réseaux de complicité qu’on pensait enterrés avec Franco. Comme au temps du caudillo, les urnes ont ainsi été acheminées dans le plus grand secret depuis la Catalunya Nord (région de Perpignan). Puis cachées dans des centaines d’endroits rocambolesques, comme des cimetières, sur tout le territoire Sud, se moquant des contrôles de police en mode Go fast à la frontière.

Dans le même temps, dans la plupart des quartiers et villages, des comités de défense s’organisaient pour faire face à la répression qu’annonçait l’arrivée de 10 000 militaires et policiers d’Espagne. Plusieurs jours avant, les bureaux de vote étaient occupés, prenant de vitesse tribunaux et forces de l’ordre. Au nord de Barcelone, Manresa, ville de 75 000 habitants a par exemple retiré les portes de ses bâtiments officiels pour leur éviter d’être fermés ou mis sous scellé. La nuit précédent le scrutin, les urnes ont enfin été distribuées avec des moyens dignes d’un vieux film d’agents secrets. Pour aller voter, le président catalan Puigdemont a dû semer l’hélicoptère de l’armée espagnole en changeant de voiture dans un tunnel… Finalement, le 1er octobre se réveillait pour défier l’État Espagnol, comme jamais depuis la fin de la dictature franquiste, dans une étrange calma tensa 1.

Diffusée en direct par les réseaux sociaux et les médias catalans, l’attaque des bureaux de vote et des votant.es par les militaires et policiers a révolté le pays. Un autoritarisme d’une violence que personne n’avait imaginée, et qui a entraîné une résistance immédiate. Pour nombre des dizaines de milliers de personnes qui ont affronté la répression, une brèche s’est ouverte. Car ce qui prend corps entre les gens dépasse la simple question de l’indépendance. Sur une des barricades improvisées, un ami élu à la mairie s’enflammait en me disant, hilare : « On n’a pas connu un tel niveau d’auto-organisation depuis 1936 ! »

El caliu

Je suis passé à Fonollosa, village de 1 000 habitant.es qui, comme tant d’autres, a été attaqué par trois bataillons de Guardia Civil 2. J’ai vu des gens traumatisés par les coups reçus, les destructions perpétrées dans leur mairie, le vol de leurs urnes et de leur « droit à décider ». Les gens ont peur. Une peur mêlée à la dignité partagée de celles et ceux qui se soulèvent ensemble : el caliu 3 des voisin.es. Rien ne sera plus comme avant pour celles et ceux qui se sentent désormais appartenir à une communauté en lutte. La place du village accueille un monument improvisé et des messages de solidarité ; la porte de la mairie rappelle celle d’un squat après une expulsion. Le lendemain des assauts, un village voisin est venu organiser un dîner populaire où les habitant.es ont pu manger ensemble, raconter leurs histoires, soigner les blessures physiques ou morales, parler de leur peurs et encore un peu de leur détermination : comment tout cela va-t-il continuer ?

C’est une des choses qu’on retient du mouvement catalan. Sa capacité à inclure les gens dans leur diversité. Les places de Barcelone résonnent autant que celle d’une bourgade isolée. Le centralisme de la capitale est mis en suspens. Les enfants et les papis et mamies sont parties prenantes de ce qui se passe dans la rue. De nombreuses tournées ont été organisées dans les quartiers pour accompagner les personnes âgées qui voulaient participer aux mobilisations. « Ils sont sûrement plus forts que nous militairement, mais pour prendre soin des nôtres, on est les meilleurs! », « Pas de révolution sans nos grands-parents », dit-on ici.

Les vieilles casseroles du franquisme

Mardi 3 octobre, la grève générale avait une saveur étrange. D’abord convoquée par les syndicats anarchistes et indépendantistes révolutionnaires, c’est finalement la quasi-totalité des organisations syndicales, sociales et politiques du pays qui ont appelé à suspendre l’activité économique du pays. La police catalane (mossos d’esquadra), certains patrons et le gouvernement local se sont même joints à cette mobilisation. La grève générale a été suivie comme jamais dans les territoires ruraux, ordinairement en retrait. Toute la journée, les places des villages, de villes moyennes ou grandes se sont remplies, et presque tous les commerces avaient le rideau baissé. Les manifestations étaient coordonnées par des « comités de défense » actifs depuis moins d’un mois. Il faut imaginer qu’en proportion, c’est un peu comme si, en France, quinze millions de personnes prenaient les rues jusque dans les plus petites communes pour s’opposer aux violences policières.

À Manresa, où j’étais, 25 000 personnes (1/3 de la population) ont défilé avec le sentiment de vivre un moment historique : en famille, en silence et les mains levées, témoignant du sentiment d’occupation. Un cordon de sécurité a alors été formé par les pompiers devant la caserne de la Guardia Civil, désamorçant un temps les tensions. L’émotion, mélange de peur et de colère, était à couper le souffle. Sous le porche ouvert, les militaires jouaient la provocation, toutes armes dehors ; les regards échangés en disaient long sur leurs intentions. Pour beaucoup d’entre eux, se joue ici un remake obscène de la guerre civile. « Nous sommes les petits enfants des vieux que vous avez cognés », répondent alors les manifestant.es.

Depuis dimanche, dans de petites villes de Catalogne, des militaires hébergés dans des hôtels ont dû partir : les voisin.es s’ingéniaient à les empêcher de dormir la nuit… Et cela fait deux semaines, tous les soirs à 22 h, que les gens sortent aux balcons pour taper dans leurs casseroles. Forme de protestation souvent utilisée ces dernières années, durant le mouvement contre la guerre de 2003 ou celui du 15-M en 2011 4, ces casserolades n’ont jamais connu une telle ampleur, une telle résonance qu’aujourd’hui. Les liens se tissent ainsi dans les immeubles, quand la plupart des voisins se retrouvent le soir sur leur balcon à taper rageusement sur leurs vieilles casseroles.

Vot(a)rem

Pour beaucoup de collectifs et de personnes impliquées dans les luttes sociales en Catalogne, les contradictions de ce mouvement ne manquent pas. Le patriotisme nous est particulièrement étranger. Voir des marées de drapeaux aux couleurs de la Catalogne est pénible, surtout quand ceux-ci servent à cacher les différences de classe qui traversent la société locale. Se retrouver dans la rue avec des gens de droite est plutôt bizarre, voire franchement désagréable. On a souvent peur d’être les idiot.es utiles de la construction d’un nouvel État qui sera probablement aussi corrompu que les autres. Les politiciens indépendantistes ont besoin de la mobilisation de rue, mais sont effrayés par un débordement possible sur leur gauche, et surtout désireux de garder le contrôle sur ce mouvement populaire si divers et chaotique. Pour garder la main, ils en appellent en permanence au seny, ce mélange de bon sens et de modération censé caractériser les Catalan.es. Pour les partisans du nouvel ordre catalan, le seny serait même le fondement de la construction du pays sur un modèle de démocratie libérale, intégré à (et sauvé par) l’Union Européenne.

Dans un même mouvement, les politiciens et journalistes mainstream de Barcelone tentent par tous les moyens de construire l’unité patriotique. Et s’indignent des violences de la Guarda Civil, tout en glorifiant la police catalane – pourtant bien connue pour sa brutalité au cours des luttes sociales de ces dernières années. C’est la bataille pour ce qu’on appelle ici el relat : le récit de l’histoire, celle qui restera la version officielle. La référence permanente à Ghandi, Mandela et Luther King participe de la construction de ce mythe. Ceci est fortement alimenté par la peur compréhensible que la situation tourne à la guerre civile, ce que personne ne veut ; ou plutôt à l’occupation militaire du pays, ce que tout le monde craint.

Malgré ces contradictions, une grande majorité des militant.es a décidé de s’impliquer dans la résistance populaire. Comme le disait un camarade sur un des nombreux points de blocage de la grève générale : « Si on reste à la maison, ce mouvement provoquera un changement seulement institutionnel. Mais si on s’en mêle, avec la force qu’ont nos réseaux anticapitalistes sur tout le territoire, on aura forcément une incidence sur les événements. Pour nous, c’est dans la rue et depuis la base que les choses se jouent. » Comme dit le slogan le plus repris de ce mouvement, hérité directement des mouvements squat et antifascistes: « Els carrers seran sempre nostres 5 !  »

La construction d’un nouveau pays ouvre également des perspectives passionnantes, à condition qu’elle soit portée par la résistance populaire, et qu’elle s’inscrive dans la poursuite de mouvements sociaux qui ne date pas d’hier 6. C’est ce que certain.es camarades appellent « l’indépendance pour tout changer ». Un exemple parmi tant d’autres : la quasi-totalité des collectifs féministes d’ici sont impliqués avec leur sensibilité propre. Bien au-delà du référendum, les féministes indignées disent ainsi :« Nous exigeons le droit de décider de tout, tout ce qui affecte nos vies, et nos corps, notre territoire et notre quotidien. » Profiter de cette table rase pour imposer un nouveau rapport de force. Quand les démocraties modernes n’offrent que des changements cosmétiques, les derniers événements en Catalogne accélèrent la dislocation de l’État espagnol, vieux monstre conservateur qui ne s’est jamais débarrassé de ses réflexes franquistes.

Franco bouge encore

Les institutions nationales portent haut leurs valeurs autoritaires, centralistes, machistes et racistes. Le Parti populaire (PP), réélu de justesse aux dernières élections, se place à la pointe des ajustements capitalistes imposés par les banques centrales. Avec l’excuse de la crise, érigée en menace quotidienne, ce parti est en grande partie responsable de la catastrophe sociale des dernières années. Sur fond d’une avalanche d’histoires de corruptions qui font passer le PP pour une organisation mafieuse. Ce qui arrive en Catalogne crée un effet d’aubaine pour Madrid : les désirs d’indépendance d’une de ses régions permet au roi et à ses ministres d’exalter les pulsions patriotiques. Les décisions économiques et sociales ayant été déléguées aux instances européennes et au patronat, c’est sur l’autorité et le nationalisme que se raffermit aujourd’hui le pouvoir central.

Les unionistes espagnols savent ainsi utiliser la rue en réaction : les rassemblements fascistes se multiplient ces derniers jours, laissant défiler néonazis et extrême droite, et s’exprimer leur violence physique à l’encontre des indépendantistes, bien sûr, mais aussi des anarchistes refusant tout drapeau, ou bien encore des migrant.es. Les discours prononcés depuis Madrid par les membres des principaux partis espagnols (hors Podemos), ou dans les médias, donnent un blanc seing à cette tendance ultra, prête à des coups de force pour que la peur du chaos prenne le dessus. Le tout donne de préoccupants relents de « stratégie de la tension », comme au cours des années de plomb en Italie. Gageons que si le niveau de violence augmente ces jours-ci, nous le devrons probablement à ces « immaîtrisables », cyniquement légitimés par en haut.

Source Daily Mail

Comment conclure alors qu’aujourd’hui tous les scénarios sont ouverts ? Si les politiciens font ce qu’ils disent, le conflit ne devrait que s’amplifier. Mardi prochain 10 octobre, le gouvernement catalan pourrait proclamer unilatéralement l’indépendance. Ce à quoi le gouvernement espagnol devrait répondre par l’arrestation de tous les hauts responsables catalans et par l’occupation militaire du pays. Prévision qui fait froid dans le dos, mais qui semble la plus probable si personne ne met un coup de frein. Faudra-t-il organiser de nouvelles de brigades internationales ? Saurons-nous, comme le proposait le sociologue catalan Ivan Miró en 2012, « passer du processus constituant libéral ou socialiste-étatique à la construction d’un pouvoir constituant, passer de l’autodétermination juridico-politique à l’autodétermination matérielle  » ?


Indépendance : bien au-delà d’un État en soi

Par Ivan Miró 7

Traduit du catalan par Martin Garrigue (La Directa, 19 septembre 2012).


Photos : Ferdinand Cazalis, Barcelone, 2015.

Maintenant que l’indépendance semble inévitable, ou que du moins – soyons réalistes –, le débat sur la question a gagné une place centrale dans certains secteurs sociaux, politiques et médiatiques (il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent la Catalogne des périphéries métropolitaines ou les migrant.es vivant ici), depuis les mouvements populaires (habituellement allergiques à l’idée d’État), nous devons penser les outils collectifs dont nous disposons pour rendre possible une indépendance qui aille au-delà de l’État propre.

Pour l’indépendantisme bourgeois (pardon, « transversal »), il s’agit en schématisant de tracer de nouvelles frontières nationales, un nouvel État capitaliste dans l’Union européenne. Selon certains secteurs de gauche, la différence consisterait en ce que cet État soit d’un genre socialiste proche du stalinisme, mais construit depuis les mouvements sociaux ; enfin, pour une partie de la « gauche indépendantiste 8 » sensible au « pouvoir populaire », il est capital de penser une stratégie alternative de processus constituant.

Dans la théorie politique classique, le processus constituant signifie que le peuple exerce la souveraineté en choisissant les représentants qui rédigeront une nouvelle constitution. Ce processus libéral-représentatif, dans ce cas précis, signifierait convoquer un plébiscite d’autodétermination ou proclamer l’indépendance depuis le Parlement catalan. Une lecture qui obtient un consensus absolu dans le souverainisme (indépendantisme de droite, NdT) jusqu’à la faire miroiter comme l’unique horizon possible pour obtenir l’indépendance. À tel point que, jusqu’à maintenant, on a été incapable de générer une critique profonde, ou une alternative stratégique pour celles et ceux qui, désirant l’indépendance, projettent un dépassement de la démocratie libérale, qui reste aujourd’hui l’architecture juridico-politique de l’économie de marché capitaliste. Ayant vécu le 15-M, avec une part importante de la société catalane clamant que « Personne ne nous représente », et après les débats sur la république des 99 %, cette problématique se doit d’être affrontée.

D’autre part, il existe une théorie socialiste de l’État (« l’appropriation populaire de l’État ») qui, au niveau méthodologique, oscille entre assumer le paradigme libéral-représentatif (référendum-élection-constitution) et des modèles insurrectionnalistes (à la bolchevique). La voie socialiste-étatiste dans l’indépendance n’a même pas été développée en profondeur par ses promoteurs, même si elle sous-tend des revendications dans les luttes contre les coupes budgétaires antisociales, par exemple, se réclamant de la « nationalisation des banques » ou l’« étatisation de l’économie et des secteurs énergétiques ». Et maintenant ? Ces théories sont-elles adéquates pour réaliser non seulement l’indépendance, sinon l’autodétermination permanente du peuple catalan?

Historiquement, et à cause précisément de l’absence d’un État en soi, nous autres Catalan.es avons construit notre organisation sociale, politique, économique et culturelle d’une manière non étatique. Depuis les sociétés ouvrières de résistance de 1855 jusqu’à l’économie populaire, coopérative et mutualiste de 1870 à 1939; depuis les athénées (centre sociaux et culturels ouvriers à tendance libertaires), syndicats, écoles libres, casals (centres de jeunes), entités culturelles et théâtrales, chorales et orfeons (associations musicales), jusqu’aux institutions scientifiques, littéraires, éducatives, tout au long de notre histoire contemporaine et jusqu’à la défaite de 1939, la Catalogne moderne et émancipatrice a su articuler une solidarité sociale avec l’organisation collective. Et c’est un fait : sans et contre l’État.

Quasiment exterminé après la défaite de 1939, ce sujet constituant a pu renaître et reprendre la construction d’un pays en soi, au beau milieu de la dictature franquiste. Une nouvelle fois, sans État et contre l’État. Coopératives de logement, écoles laïques et mixtes, maisons d’édition, universités populaires, formations professionnelles, journaux et revues, scoutisme 9, et excursionisme 10, syndicats et assemblées ouvrières, organisations féministes, associations de voisin.es. Cette démocratie catalane réelle, a été malheureusement phagocytée par les partis politiques espagnols et catalans durant la période de « Transition démocratique » après la mort de Franco. Telle fut l’œuvre des « démocrates de toujours 11 ». En réduisant la puissance collective à l’État, en normalisant le processus institutionnel, on a déplacé le sujet social et coopératif, et maintenu le cadavre pourri de la monarchie sur son trône, en le rendant constitutionnel. De l’autonomie sociale à l’État des Autonomies 12, du pouvoir populaire à la démocratie autoritaire de marché, le nouvel État espagnol était moulé pour entrer dans la Communauté économique européenne.

« C’était pas ça, compagnon, c’était pas ça », chantait LLuis Llach il y a plus de trente ans. Apprenons donc, et anticipons. Pour être fidèles à l’histoire sociale de notre peuple, pour respecter la nature diverse des Catalan.es, mais surtout pour construire une réalité nationale différente de l’État-Nation capitaliste, nous devons penser à un processus constituant différent, qui ne noie pas la société dans l’État.

Ni libérale ni étatique, pensons une théorie révolutionnaire de l’État qui ne devienne pas une critique pratique du droit et des institutions étatiques. Passer du processus constituant libéral ou socialiste-étatique à la construction d’un pouvoir constituant, passer de l’autodétermination juridico-politique à l’autodétermination matérielle. Un pouvoir constituant qui exclut que toute finalité extérieure puisse être imposée à celle consciemment construite par la multitude à travers son expérience quotidienne. C’est-à-dire un pouvoir constituant fait de nos propres mains.

Disposons-nous d’une économie collective et coopérative capable de satisfaire de manière solidaire l’ensemble des nécessités matérielles du peuple catalan ? Disposons-nous d’écoles et d’universités démocratiques qui garantissent l’accès universel à l’éducation, à la production et à la socialisation des connaissances ? De moyens de communications en propriété collective et gérés démocratiquement qui garantissent pleinement la liberté d’information ? De mécanismes de démocratie directe et municipale qui garantissent l’autodétermination quotidienne des communes locales? etc.

Ou bien nous consolidons et généralisons ces embryons de pouvoirs constituants matériels (non étatiques) pour réaliser l’autodétermination et l’indépendance, depuis le point de vue des classes populaires catalanes; ou bien l’indépendance de notre pays ne sera qu’un rêve converti en cauchemar. Nous n’oublions pas. Il existe la Catalogne de Torres i Bages, Cambó ou Felip Puig, nos sabre-peuples sanguinaires. Et il existe la Catalogne de Salvador Seguí, Micaela Chalmeta ou Xirinacs, emblèmes de l’émancipation. En ce sens, nous aussi, nous avons le choix.


Pour aller plus loin :

• La déclaration du Syndicat populaire des vendeurs ambulants de Barcelone et de l’Espace des migrants de Raval, une organisation indépendante dans le contexte du vote du 1er octobre 2017 (Via Ferguson In Paris).

• « Anarchists on the Catalan Referendum. Three Perspectives from the Streets », CrimethInc.

• Si vous avez manqué les épisodes précédents, vous pouvez lire sur Jef Klak « Dret a decidir. La Catalogne sur le chemin de l’indépendance » Par Ferdinand Cazalis

  1. « Tension calme ».
  2. Force militaire espagnole, équivalent formel de la gendarmerie, mais ici associée à la dictature fasciste.
  3. « Chaleur humaine ».
  4. Voir « Composition – indignados et mouvement du 15M (Barcelone) » dans Constellations.
  5. « Les rues seront toujours à nous ».
  6. Voir « S’organiser dans les mouvements barcelonais », Constellations.
  7. Sociologue et membre de la coopérative La Ciutat Invisible.
  8. L’auteur se réfère ici à la myriade d’organisations et collectifs révolutionnaires d’influences marxistes et partisans de la libération nationale (NdT).
  9. Si, si, en Catalogne le scoutisme est fortement inspiré de valeur libertaire… (NdT)
  10. Comme dans les Alpes en Italie durant la dictature de Mussolini, les associations d’alpinisme ou d’excursions dans la nature servaient en Catalogne de couverture pour des groupes de partisan.es républicain.es et anarchistes, qui pouvaient se réunir dans les montagnes, à l’abri des regards de la ville. (NdT)
  11. Expression faisant référence aux politiciens actifs sous le fascisme et convertis à la démocratie quand le vent a tourné. (NdT)
  12. Nom donné aux territoires spécifiques ou équivalent juridiques des régions en France pour l’État espagnol, qui ont des pouvoirs décentralisés en certains domaines.