Image de Une : Chloé Bertron
« Ta sueur d’aujourd’hui, c’est ton sourire de demain. » Hommage à celleux, passants prévenants, oncle ou voisine diligente, médecin et autres coaches sportifs à la petite semaine, qui nous veulent du bien.
Hier, je prenais le métro, quand un homme m’a dit : « Bouge ton cul la miss, j’ai d’autres chats à fouetter ! » C’est vrai que ces temps-ci, j’ai un peu pris. Je ne suis pas grosse, je suis en formes. Mon père a un problème avec les grosses, surtout avec les grosses truies. Du coup, moi aussi. Pourtant, les grosses truies sont des sportives du tonnerre, capables d’être fécondées par sonde à haute fréquence. La nuit dernière, j’ai chopé mon père la tête à l’envers en train de bavasser avec une jeune humaine à la chair fraîche et non excédentaire. J’étais fière. Mon père a toujours été un challenger très volontaire ! Au type, dans le métro, j’ai dit : « Merci monsieur ». Puis, j’ai commencé à remuer mon gros cul. Dans les escaliers, il avait une vue d’ensemble sur mon derrière. Le surplus de couenne lui avait peut-être heurté l’arcade sourcilière. J’ai ondulé du bassin, houpla, hoop, et j’ai monté 3 à 3 les marches du grand escalier de Montmartre. Le type a dit : « Voilà, c’est ça beauté, encore un petit effort. » J’ai trouvé ça encourageant : 4 à 4 les marches ! Vise-moi ça ! À quelque chose du style 80e marche, je commençais à manquer d’air. Derrière, l’homme hululait : « Montre-moi ce que tu sais faire ! » J’avais envie de m’asseoir pour reprendre mon souffle ou me rouler par terre, mais me trouver des excuses ne me ferait pas perdre de calories. Eh bien donc j’ai continué de sprinter. Ma langue pendait un peu. Pourvu qu’il ne la voie pas de face, ma tête de vache de seconde zone, seigneur Dieu ! Mais ça n’avait pas l’air. Un peu de nerfs ! Opération corps de rêve. Je visualisais ma peau saine et plein d’hommes en train de me complimenter sur mon physique. Merci ! Merci ! « Je suis presque en train de voir disparaître tes gros bourrelets ! » a dit l’homme. Youpi ! J’ai dû atteindre un nombre du style : 123 marches. Des gouttes de sueur perlaient sur mon front, se répandaient. J’ai toujours eu un corps très sensible aux stimuli. J’espère qu’il n’en coule pas sur mes fesses, me suis-je inquiétée en pensant à mon coach, derrière. Ta sueur d’aujourd’hui, c’est ton sourire de demain, me suis-je après challengée en ne sentant plus mes pieds. Je n’entendais plus le coach non plus, comme anesthésiée, mais je continuais, une, deux, une, deux ! J’étais sûre qu’il était là à m’observer, à se taire pour me laisser progresser. C’était chou ! J’allais tout donner ! Les gagnantes trouvent des moyens, les perdantes des excuses, que j’ai songé dans un bref moment de lucidité. Tic, tac, mes pas sur les marches. Puis, quelque chose du style : 180. « Ça fera 180 de moins dans ton cul », voilà ce que j’ai réussi à articuler entre mes lèvres boudinées. « Ta seule limite, c’est toi-même », j’ai bafouillé en mon for intérieur un peu par mécanisme, quand je me suis écroulée à la marche du style 210. J’ai bien bossé, « Pain is fuel », voilà ce que j’ai pensé quand les gens m’ont enjambée comme une grosse crêpe grumeleuse. Moi aussi, je suis une truie du tonnerre !