De la notation chorégraphique au XVIIIe siècle à la chronophotographie des années 1910, diverses méthodes ont su schématiser les déplacements des corps humains dans un espace et un temps donnés. Aujourd’hui, dans un contexte de traçabilité généralisée, l’accumulation de trajectoires chronospatiales permet d’élaborer des modèles statistiques de comportements « normaux » au sein d’une société donnée – pour mieux isoler les déviances potentielles de tel ou tel individu. Une logique non plus seulement de discipline ou de contrôle, mais de ciblage, au service des pouvoirs policiers, militaires ou économiques.
Ce texte est extrait du numéro 2 de Jef Klak, « Bout d’ficelle », dont le thème est Coudre / En découdre. Sa publication en ligne est la première d’une série limitée (1/6) de textes issus de la version papier de Jef Klak, toujours disponible en librairie.
Nous le publions en ligne à l’occasion de la sortie d’un film qui en est librement inspiré, « Patterns of life », où l’artiste Julien Prévieux a joué à reconstituer, avec des danseurs, du scotch et des lapins, une histoire des expériences de capture de mouvements, depuis l’observation par Georges Demenÿ, à la fin du XIXe siècle, des formes de marche pathologique jusqu’aux modélisations contemporaines des formes de vies normales par le renseignement américain. La bande annonce est̀ ici et à retrouver dans le cadre de son exposition au Centre Pompidou jusqu’au 1er février 2016.
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En 1956, dans sa Théorie de la dérive, Guy Debord commentait une carte de Paris montrant « le tracé de tous les parcours effectués en une année par une étudiante du XVIe arrondissement : ces parcours dessinent un triangle de dimension réduite, sans échappées, dont les trois sommets sont l’École des Sciences Politiques, le domicile de la jeune fille et celui de son professeur de piano 1 ».
L’objectivation cartographique d’une forme de vie servait ici de point de départ à une critique poétique et politique de la vie quotidienne – critique de son étroitesse, de ses routines, et de la réduction du monde vécu dont celles-ci sont solidaires. Debord concluait : « Il n’est pas douteux que de tels schémas, exemples d’une poésie moderne susceptible d’entraîner de vives réactions affectives – dans ce cas l’indignation qu’il soit possible de vivre de la sorte – […] ne doivent servir aux progrès de la dérive 3. »
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Des créateurs de San Francisco proposent aujourd’hui d’étranges bijoux. Ce sont des petits médaillons aux formes géométriques, comme des toiles d’araignées ou des structures cristallines. Leurs motifs sont en réalité ceux de vos déplacements. Meshu – c’est le nom de cette petite entreprise d’orfèvrerie d’un nouveau genre – puise dans les données de géolocalisation collectées par votre smartphone pour en extraire la carte schématique de vos pérégrinations. C’est ce graphe, la visualisation de vos données chronospatiales, qui sert de patron pour découper, dans du métal ou dans du bois, votre pendentif personnalisé.
L’historique spatialisé de vos déplacements devient ainsi un signe cryptique que vous pouvez arborer en guise d’ornement. C’est aussi votre emblème, l’expression d’un nouvel art du portrait.
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En tant qu’objets culturels, ces graphes sont à rapprocher d’un de leurs ancêtres : le portrait « à la silhouette » de la fin du XVIIIe siècle. Avec l’invention de la « machine sûre et commode pour tirer les silhouettes » de Johann Kaspar Lavater, le profil en ombre chinoise proliféra comme un objet d’engouement populaire, une véritable mode qui véhiculait des codes esthétiques inédits pour la présentation de soi, mais aussi de nouveaux supports pour un savoir anthropologique qui prétendait déchiffrer les traits de la personnalité à partir des lignes de la tête.
Le profil chronospatial partage avec l’ancien profil skiagraphique – du grec « dessin de l’ombre » ou « écriture de l’ombre » – la polyvalence de ses usages. La différence est bien sûr que le tracé se détourne ici du contour morphologique du corps pour se focaliser sur les lignes imaginaires de ses mouvements. Le profil, dès lors, doit être entendu en un sens métaphorique : il n’épouse plus la forme statique d’un corps, mais celle, dynamique, de ses trajectoires 6. C’est ce genre de corps schématique qui forme ici le sujet de mes investigations.
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Depuis le XIXe siècle, les paléontologues opèrent une distinction éclairante entre les corps fossiles et les traces fossiles (body fossils/trace fossils) : « En traitant des empreintes, des moules, des contre-empreintes, écrit Alcide d’Orbigny en 1849, nous n’avons parlé que de traces organiques fossiles des parties solides des animaux enfouis dans les couches ; mais il est d’autres vestiges fossiles laissés par les corps vivants sur les sédiments non consolidés, et qui se rapportent moins à ces parties solides des corps qu’aux habitudes vitales et physiologiques de ceux-ci. Il s’agit d’empreintes de pas d’animaux, de sillons, de cannelures, de bourrelets, laissés par les organes de mouvement des animaux marcheurs et nageurs 7. » Edward Hitchcock a baptisé ce genre de fossiles « ichnites ». En allemand, on les nomme aussi Lebenspurren : traces de vie ou « vestiges fossiles de vie ».
Tandis que le moulage d’un corps mort, prisonnier de l’argile, offre le décalque d’un solide avec ses volumes et ses textures, une série d’empreintes trouvées au sol ne fournit qu’un relevé de ses mouvements. En ce second cas, l’impression n’a pas été simultanée mais successive. La trace d’activité est une précipitation d’événements successifs dans la simultanéité d’un espace, sa solidification durable sur le plan d’une surface d’inscription. C’est l’image d’une durée spatialisée.
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En 1790, Kant écrivait : « Toute forme des objets de sens […] est ou bien figure ou bien jeu ; et, dans ce dernier cas, ou bien jeu des figures (dans l’espace : la mimique et la danse) ou bien simple jeu des sensations (dans le temps) 9. » La forme d’une danse, ou plus généralement d’un mouvement perçu, n’est pas celle d’une chose, avec ses contours fixes (la forme d’un vase). Elle est un « jeu de figures » qui ne peut authentiquement apparaître que dans une double différence d’espace et de temps.
À la même époque, on inventait la sténochorégraphie : système de notation chorégraphiques. Dans les traités correspondants, une danse se présentait sous l’aspect de phrases mouvementées écrites en un curieux langage symbolique. Sur l’espace de la feuille, elles cheminaient sous l’axe chronologique horizontal de la partition musicale. Le tracé du jeu de formes n’était plus un simple relevé. Il devenait un script qui ne transcrivait l’activité que pour mieux la diriger en pratique.
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Dans les années 1910, deux disciples de Taylor 11, Lilian et Frank B. Gilbreth, mirent au point un dispositif qu’ils appelèrent le « chronocyclographe ». Après avoir fixé de petites ampoules électriques aux mains d’un travailleur, ils le photographiaient, en durée d’exposition longue, en train d’effectuer sa tâche. Ils obtenaient ainsi une image représentant « la trajectoire continue d’un cycle de mouvements 12 » apparaissant en lignes blanches sur l’émulsion photographique.
« Une bonne manière d’illustrer la façon dont un modèle de mouvement nous permet de le visualiser est de le comparer au sillage que laisse un paquebot sur l’océan », expliquait alors un jeune ingénieur enthousiaste14. De façon plus générale, les différentes techniques dont je traite ici ont en commun d’être des façons de capturer des sillages ou d’adjoindre des effets de traînes plus ou moins durables à des activités qui n’en ont pas nécessairement de façon spontanée15.
En ce cas, spécifiquement, la tâche d’extraction de la trajectoire est confiée à la photographie, ou plus précisément à la chronophotographie : en traitant la source lumineuse comme une « encre spatio-temporelle », les procédés chronophotographiques « constituent en quelque sorte des bougés, des “traînes” dirait Didi-Huberman, dans le sens où elles laissent apparaître un déplacement du mobile par sa présence étendue en différents points de l’image, paraissant ainsi simultanés16 ». On rend ainsi visible l’invisible. Mais il est également vrai que ce procédé de visualisation recouvre une opération concomitante d’invisibilisation ou d’effacement. Sur le cliché des Gilbreth, le corps du travailleur se floute en un halo indistinct à l’arrière-plan. Le corps disparait littéralement derrière les lignes de son geste. Du corps évanescent, il ne reste plus que le fossile éblouissant de ses mouvements passés.
Michel Foucault a montré que les dispositifs disciplinaires des XVIIIe et XIXe siècles mobilisaient « une sorte de schéma anatomo-chronologique du comportement17 ». Mais ce n’est plus exactement ce dont il s’agit ici. Si le schéma est toujours en un sens chronologique (et même chronospatial), il n’est plus anatomique. Du corps vivant du travailleur, on ne retient plus que « l’orbite du mouvement 18 ». Une « orbite » – la métaphore est instructive : on passe pour ainsi dire d’une anatomie à une micro-astronomie du geste productif, où les lueurs des petites ampoules électriques auraient remplacé celles des astres, quoique pour un tout autre genre d’étude.
Or ces orbites, il ne s’agit pas seulement de les visualiser, mais aussi de les modéliser pour mieux les transformer. Si on analyse les trajectoires de mouvement, c’est afin de les épurer, de les débarrasser de leurs détours inutiles : principe « d’élimination des déchets 19 ». La modélisation est un prélude à la standardisation : « En comparant de tels graphes ou modèles montrant les trajectoires de différents opérateurs en train de faire le même genre de travail, il est possible d’en déduire quelle est la méthode la plus efficiente et de l’ériger en standard 20. » La méthode, étymologiquement, c’est le chemin à suivre. Le standard, c’est le chemin le plus court, le plus économique21.
Les Gilbreth sculptent aussi ces modèles de mouvement en trois dimensions avec du fil de fer et s’en servent « pour apprendre la trajectoire du mouvement 22 » aux opérateurs. Le geste du travailleur, redessiné en laboratoire, retourne dans l’atelier sous forme modifiée – cette fois comme un fil conducteur auquel les corps productifs doivent conformer leur danse.
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Au milieu des années 1960, un chercheur de l’Académie soviétique des sciences, Alfred Yarbus, publia un livre qui révolutionna l’étude de la vision23. Pour ses expériences, il avait utilisé une machine perfectionnée, un peu comme cet appareil où l’on pose le menton dans un cabinet ophtalmologique, mais équipé de caméras. Ayant enregistré les micromouvements des yeux, il pouvait ensuite retracer le parcours rapide qu’effectue inconsciemment un sujet lorsqu’il pose le regard sur un tableau. Ces dessins, avec leurs saccades et leurs points de fixation, ressemblent beaucoup aux photographies des Gilbreth. Ce sont eux aussi des sortes de cartes de gestes, mais de gestes oculaires, où l’objet de la visualisation n’est autre que l’acte même de voir24.
Les technologies d’eye-tracking sont aujourd’hui mobilisées par la recherche marketing. À l’âge de l’économie de l’attention, on scrute méthodiquement le regard de l’utilisateur ou du client afin de mieux le capter. On produit ainsi des « cartes thermiques » des mouvements des yeux qui permettent de faire des « tests d’usabilité » et de choisir la design route la plus efficace pour un graphisme donné.
Cette méthode d’analyse s’applique au design des pages web, au packaging des produits, mais aussi à l’architecture même des espaces de vente. Certains magasins couplent aujourd’hui les vidéos de leurs caméras de surveillance au signal des smartphones captés sur leur réseau wifi afin de retracer les déambulations de leurs clients27. Dans l’espace physique, le client est un œil, mais un œil qui a des jambes. En fonction des données comportementales ainsi recueillies, on pourra reconfigurer la disposition de l’espace de vente afin d’optimiser ses propriétés de capture de l’attention.
Malgré la ressemblance entre ces graphes et ceux des Gilbreth, le type de normativité à l’œuvre n’est pas le même. Le rapport salarial est structuré par un rapport de contrainte qui donne fondamentalement à la norme une valeur de commandement. Dans la sphère marchande, c’est par des moyens plus détournés qu’un schème d’activité se trouve prescrit à des corps. En ce cas, la stratégie consiste à redessiner l’espace du visible afin d’orienter et d’aimanter les mobilités oculaires et corporelles selon des itinéraires de navigation préétablis. Cette normativité procède selon des tactiques de captation par design.
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Au début des années 1960, des éthologues américains se mirent à utiliser de nouveaux transmetteurs radio afin d’étudier les déplacements d’animaux sauvages. Ces appareils, fixés sur le corps de lapins à queue blanche ou de cerfs de Virginie, permettaient de connaître leur position et de retracer leurs itinéraires29. Face à la masse de données rapidement produite par de tels systèmes de radio-tracking, on s’attela aussi, avec les moyens de l’époque, à concevoir des programmes informatiques capables de convertir automatiquement ces données en cartes.
L’essor des technologies de télémétrie inspira également d’autres disciplines. En 1964, à Harvard, Ralph Schwitzgebel, épaulé par son frère jumeau Robert, comme lui psychologue du comportement, mit au point un « système de supervision comportementale équipé d’un bracelet émetteur ». Cet appareil, testé sur de « jeunes délinquants », annonçait le bracelet électronique ensuite adopté par le système pénal. On rêvait de remplacer les vieilles techniques d’enfermement par de nouvelles technologies de contrôle en milieu ouvert. Les jumeaux imaginèrent à cette fin un petit appareil portatif capable d’enregistrer et de transmettre par radio diverses données comportementales, dont la position géographique du porteur, mais aussi des informations sur son « pouls, ses ondes cérébrales, sa consommation d’alcool, et autres faits physiologiques »31. Si les capteurs du mouchard électronique signalaient un comportement à risque, on pouvait localiser l’individu et, au besoin, intervenir de façon préventive.
Mais ce qui motivait cette invention était aussi, très profondément, de l’ordre d’une libido sciendi32. En automatisant la collecte à distance de données comportementales, le bracelet électronique allait permettre aux sciences du comportement de disposer en continu de masses de renseignements détaillés sur les faits et gestes de la vie quotidienne. Pourquoi le psychologue ne pouvait-il pas lui aussi se brancher, comme l’éthologue, sur son propre réseau de colliers-transpondeurs placés sur le corps d’animaux humains ? Cet art de la mesure à distance appliqué aux conduites humaines fut baptisé « anthropotélémétrie ».
La tâche de collecte qui devait être confiée à des capteurs spéciaux est aujourd’hui en grande partie accomplie par des individus qui auto-documentent leurs propres activités dans un contexte de traçabilité généralisée. Tom MacWright est un ingénieur en systèmes d’information géographique. Il est aussi, à ses heures perdues, un coureur amateur. Il a récemment créé une application qui lui permet de visualiser à la fois le chemin qu’il parcourt dans la ville et les variations de son rythme cardiaque durant l’effort.
Cette carte illustre un principe important, celui de la « fusion des données » (datafusion) : des données glanées à partir de sources hétérogènes peuvent être épinglées sur un même corps schématique chronospatial. Il suffit pour cela que ces informations aient été préalablement référencées selon des coordonnées spatio-temporelles.
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Toujours dans les années 1960, un courant très novateur de la géographie humaine entreprit de révolutionner sa discipline : c’était le projet de la chronogéographie (time-geography). L’idée fondamentale était que l’on pouvait rendre compte des vies humaines en les traitant comme des trajectoires (paths) dans l’espace-temps. Cela impliquait entre autres choses d’inventer des cartes d’un nouveau genre, des cartes qui intégreraient le temps à l’espace. Torsten Hägerstrand, l’un des pères fondateurs de cette méthodologie, en résumait ainsi les postulats : « Dans l’espace-temps, l’individu décrit une trajectoire (path) […]. Le concept de trajectoire de vie (ou de trajectoire intermédiaire, comme par exemple la trajectoire d’une journée, la trajectoire d’une semaine, etc.) peut aisément être exposé graphiquement à condition de replier l’espace tridimensionnel sur […] une île plate à deux dimensions, et d’introduire un axe perpendiculaire afin de représenter le temps34. »
Voici un premier exemple de ce genre de représentation tridimensionnelle, rudimentaire encore. Sur une carte en relief ont été fichées des tiges verticales sur lesquelles on enroule un fil qui figure l’itinéraire d’un individu au cours d’une période donnée :
Ce genre de représentation cartographique a aujourd’hui été intégré à de puissants systèmes d’information géographique utilisés pour conduire des études d’« analyse géo-visuelle ».
Comme le souligne Mark Monmonier, ce genre d’objet est fondamentalement « de la cartographie (mapping) plutôt que de simples cartes (maps), dans la mesure où la cartographie ne se réduit pas à des cartes statiques imprimées sur du papier ou affichées sur des écrans d’ordinateurs. Dans les nouvelles cartographies de la surveillance, les cartes que l’on a sous les yeux ont moins d’importance que les systèmes spatiaux qui stockent et qui intègrent un ensemble de faits concernant les endroits où nous vivons et où nous travaillons37 ».
Les instruments de la chronogéographie élaborés dans les années 1960 avaient surtout été pensés comme des moyens de planification urbaine et sociale associés à des visées politiques réformistes. Aujourd’hui, de nouvelles fonctions, bien moins bienveillantes, leur sont de plus en plus assignées. Le postulat fondamental de la time-geography, selon lequel « les biographies individuelles peuvent être suivies et retracées comme des “trajectoires dans l’espace-temps” 38 » est en effet actuellement en passe de devenir le soubassement épistémologique de toutes les autres pratiques de pouvoir.
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Depuis 2010, les plus hautes autorités du renseignement états-unien ont édicté les principes d’un nouveau paradigme. C’est la doctrine du « Renseignement fondé sur l’activité (Activity Based Intelligence – ABI) » élaborée sous l’égide de la sœur siamoise mais encore méconnue de la NSA, la National Geospatial Intelligence Agency (NGA)39. Les théoriciens du renseignement décrivent ce tournant comme la conversion à une nouvelle philosophie, à une nouvelle méthode de connaissance.
Comme le résume le géographe Derek Gregory, il s’agit de « suivre plusieurs individus à travers différents réseaux sociaux, afin d’établir une forme ou un “schéma de vie” (pattern of life), conformément au paradigme du “Renseignement fondé sur l’activité” qui forme aujourd’hui le cœur de la doctrine contre-insurrectionnelle40 ». Gregory le décrit de façon très évocatrice comme « une sorte de rythmanalyse militarisée, et même comme une géographie du temps, armée jusqu’aux dents », fondée sur l’usage de programmes qui « fusionnent et visualisent des données géo-spatiales et temporelles que le renseignement collecte à partir de sources multiples (“en combinant le où, le quand et le qui”) en les disposant dans un cadre tridimensionnel qui reprend les diagrammes standards de la chronogéographie développée par le géographe suédois Torsten Hägerstrand dans les années 1960 et 1970 41. »
Cette méthodologie se fonde entre autres choses sur un usage du datamining42 appliqué à des trajectoires de mouvements afin de découvrir, au sein de gigantesques pelotes de trajets, des periodic patterns ou des « signatures » correspondant à des segments d’habitudes caractéristiques. Au-delà d’un relevé des différents itinéraires singuliers, on vise ici autre chose : l’extraction progressive de schèmes d’activité. Les traits de trajets régulièrement empruntés s’épaississent alors progressivement à l’écran, tout comme les itinéraires fréquemment parcourus par les bêtes d’un troupeau creusent leurs sillons dans l’herbe d’un pré.
Voici, à titre d’exemple, l’une des cartes produites par un module d’Activity Based Intelligence élaboré par des ingénieurs de Lockheed Martin et testé sur les trajets de taxis d’une ville américaine :
Mais ce qui vaut pour des courses de taxis peut bien sûr s’appliquer à d’autres objets, dont les trajets piétonniers de villageois irakiens scrutés par la caméra d’un drone :
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À l’origine, la chronogéographie naît d’un refus de la prédominance des méthodes strictement statistiques en sciences sociales. Lorsque l’on se contente de décrire la réalité sociale par des agrégats de grands nombres, tels que fournis par exemple par un recensement, regrettait Hägerstrand, « on considère la population comme étant faite de “dividuels’’ plutôt que d’individus45 ». Des agrégats statistiques tels que le PIB ou les tranches de revenus ne nous donnent pas accès à un savoir primaire sur des individus, mais seulement, de façon indirecte, à des êtres statistiques que l’on reconstruit comme des fractions d’un nombre global.
La chronogéographie prétendait au contraire repartir des individus tels qu’ils existent de façon continue en tant que points physiques affectés de trajectoires spatio-temporelles. La conviction était qu’entre le travail du biographe et celui du statisticien, « il y a une zone entre chien et loup à explorer, où l’idée fondamentale est que les gens conservent leur identité dans le temps […] et que les agrégats de comportement n’échappent pas non plus à la règle46 ». En d’autres termes, comme le résume le géographe Nigel Thrift, la chronogéographie partait d’un principe méthodologique d’« indivisibilité de l’être humain47 ». Ce qui était alors proposé aux sciences sociales, c’était de rebâtir des agrégats de données à partir de la granularité insécable d’individus dont la « corporéité vivante » pouvait être schématiquement saisie par des trajectoires traçables et mesurables dans l’espace-temps.
Il est frappant que, pour exprimer cette idée, Hägerstrand ait recouru à un vocabulaire que Deleuze emploie à son tour plus de vingt ans plus tard afin de caractériser ce qu’il appelle les « sociétés de contrôle » : « On ne se trouve plus, diagnostique le philosophe, devant le couple masse-individu. Les individus sont devenus des “dividuels”, et les masses, des échantillons, des données48 ». D’un côté, il y aurait les sociétés de discipline, structurées par un rapport entre individu et masse, et, de l’autre, des sociétés de contrôle, articulées sur le couple dividuel/base de données. D’un côté, des institutions d’enfermement, de l’autre, des dispositifs de contrôle déployés dans des milieux ouverts. D’un côté, la signature et le matricule pris comme signes de l’individualité disciplinaire, et, de l’autre, le chiffre et le mot de passe pris comme sésames pour les portiques du contrôle…
Cette distinction notionnelle entre dividuel et individuel, Hägerstrand et Deleuze l’avaient tous deux empruntée aux recherches sur la forme que le peintre Paul Klee avait entrepris dans l’entre-deux-guerres. Elle se schématisait pour lui de la façon suivante :
L’individuel s’illustre par une figure linéaire, celle d’un corps (figure 2). Elle se définit négativement comme ce dont on ne peut retrancher une partie sans détruire le tout, sans le rendre méconnaissable. En ce sens, l’individuel est d’abord un indivisible : sa division aurait pour effet, par mutilation, d’en détruire l’unité organique constitutive. Le dividuel se signale au contraire par sa divisibilité. Divisez ou découpez les lignes de la figure 1, retranchez-en une ou plusieurs, le motif ne se dissoudra pas pour autant. Il demeurera malgré sa partition. C’est la différence entre le motif d’une tapisserie, aux rythmes répétitifs, et le dessin de la forme organique d’un corps.
Ce que dit Hägerstrand, au début des années 1970, sur le mode d’une prescription de méthode, c’est en substance qu’il faut passer de (1) à (2), c’est-à-dire remplacer, au titre d’élément de base du savoir, la dividualité statistique par l’individualité chronospatiale.
Ce que dit Deleuze à la fin des années 1990, mais sur le mode cette fois d’un diagnostic historique et politique, c’est que nous serions en partie en train de passer de (2) à (1) – c’est-à-dire qu’à d’anciennes machines de pouvoir centrées sur l’individualité (isolable et aux contours déterminés) se substitueraient de nouvelles, dont l’objet serait le « dividuel » (sans cesse subdivisé et sur lequel on peut donc démultiplier les points de contrôle).
Mais qu’advient-il du diagnostic de Deleuze lorsque le postulat de base de la chronogéographie, à savoir fonder l’agrégation des données sur une indexation individuelle de trajectoires chronospatiales, se généralise au point de devenir le socle opérationnel effectif de toute une série de pratiques de pouvoir ?
Ce que l’on obtient alors, c’est, en première analyse, tout autre chose que du dividuel – au contraire même : des individualités chrono-géographiques prises comme objets à la fois de connaissance et d’intervention. Comme l’explique Derek Gregory, l’usage actuel de « divers moyens électroniques pour identifier, traquer et localiser » des cibles constitue en réalité un processus de « production technique d’individus comme artefacts et algorithmes »50. Si Gregory a raison d’y voir un mode d’individuation spécifique, la question reste de savoir comment le caractériser conceptuellement.
L’une des difficultés est que cela cadre mal avec la catégorie d’individualisation disciplinaire rappelée par Deleuze dans son « Post-scriptum » : les technologies en question se déploient certes dans des milieux ouverts, et ceci, elles le partagent avec le modèle du contrôle, mais, dans le même temps, elles se focalisent aussi sur la recherche de « signatures » – c’est-à-dire, à en croire Deleuze, sur l’un des signes de prédilection de la discipline. En outre, si ces procédures d’analyse se focalisent sur des individualités-trajectoires pensées comme des unités chronospatiales indivisibles, elles procèdent aussi par agrégation de données, par composition de matière dividuelle stockée dans des banques de données et traitée de façon algorithmique. En fait, elles ne se laissent subsumer sous aucune des deux grandes catégories proposées par Deleuze. Elles ne correspondent ni vraiment à l’individualisation de la discipline, ni vraiment à la « dividualisation » du contrôle.
Pour saisir ce à quoi l’on a affaire ici, je crois qu’il faut mobiliser une tierce figure, également présente chez Klee, celle d’une « synthèse dividuel-individuel51 » :
Dividuel et individuel ne s’opposent pas nécessairement, ils peuvent aussi se combiner. Cette troisième figure synthéthique se produit lorsque « certaines activités engendrent des structure formelles définies qui, de façon observable, deviennent des individus53 », c’est-à-dire lorsque « les caractères structurels s’assemblent rythmiquement en une totalité individuelle54 ». La trame dividuelle mouvementée sur laquelle la figure linéaire de l’individualité se découpe en même temps qu’elle en définit le contour externe prend alors l’aspect d’une grille dansante.
L’objet du pouvoir n’est ici ni l’individu pris comme élément dans une masse, ni le dividuel pris comme chiffre dans une base de donnée, mais autre chose : des individualités-trajectoires tissées de dividualités statistiques et découpées sur une trame d’activités où elles se singularisent dans le temps comme des unités perceptibles.
La production de cette forme d’individualité ne relève pas de la discipline, pas non plus du contrôle, mais du ciblage dans ses formes les plus contemporaines. Que celui-ci soit policier, militaire ou marchand, il partage les mêmes traits formels. Une hypothèse probable est qu’au-delà des sociétés de discipline ou de contrôle, nous entrions à présent dans des sociétés ciblées.
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Pour les spécialistes du renseignement militaire qui ont promu ce genre de méthodologies dans leur champ, l’espoir initial était, conformément à un modèle d’« Intelligence, de surveillance et de reconnaisssance (ISR) » hérité de la guerre froide, de parvenir à modéliser des « signatures » comportementales caractéristiques de formes de vies « terroristes ». Mais cette ambition se heurte à (au moins) un problème épistémologique fondamental. Dans des contextes « où les “mauvais” éléments ressemblent comme deux gouttes d’eau aux “bons” 55 », les cibles sont dépourvues de signature claire permettant leur détection directe.
Or, ceci, les spécialistes du renseignement ne l’ignorent pas. À telle enseigne qu’ils présentent aujourd’hui le paradigme du Renseignement fondé sur l’activité comme une tentative pour surmonter cet obstacle : « Dans des environnements où il n’existe aucune différence visuelle entre ami et ennemi, c’est par leurs actions que les ennemis se rendent visibles56. » Et c’est cette tâche-là, établir la distinction entre ami et ennemi, que l’on espère derechef pouvoir confier à des algorithmes.
Dans les discours de la méthode qu’ils rédigent, la formulation du problème prend des tournures quasi-métaphysiques. Le mystère est le suivant : comment découvrir des « inconnus inconnus57 » (sic) ? Un inconnu connu est un individu dont on ignore l’identité singulière, l’état civil, mais dont les attributs repérables correspondent à un type répertorié. Un inconnu inconnu est celui qui échappe à la fois à une identification singulière et à une identification générique : on ne sait ni qui il est (on ignore son nom, voire son visage), ni ce qu’il est (son profil d’activité ne correspond pas à ceux déjà catalogués).
La solution vers laquelle on se tourne alors est d’une certaine manière comprise dans l’énoncé du problème : pour pouvoir repérer des formes inconnues, il faut logiquement déjà disposer d’un répertoire de formes connues. L’idée est donc de cerner le typique pour repérer l’atypique. On développe alors des « schémas de vie (patterns of life) permettant d’identifier les activités normales et les activités anormales58 ».
Dans un tel modèle, en « accumulant des tracés dans le temps », on peut par exemple « modéliser les mouvements des piétons et détecter des anomalies par rapport à des tendances comportementales apprises59 ». Une fois que l’on a par exemple identifié les itinéraires « normaux » d’un porteur de plateau-repas dans une cantine, on peut par contraste voir émerger un certain nombre de trajectoires aberrantes :
Mais, au-delà des tests conduits en espace confiné, l’objectif est de déployer ces méthodologies de tri comportemental au sein de programmes de « Détection des anomalies à grande échelle » :
La définition du « normal » dont ces systèmes disposent est purement empirique : elle est apprise par la machine sur la base de relevés de fréquences et de répétitions. Et c’est un écart avec de tels schémas de régularité – une anomalie plutôt qu’une anormalité – qui déclenchera des « alertes de comportement anormal » s’affichant en teintes rouge orangé sur l’écran de l’analyste.
L’un des problèmes classiques, avec ce genre de conception de la normalité, c’est que l’« on devra nécessairement, comme l’expliquait en son temps le philosophe et médecin Georges Canguilhem, tenir pour anormal – c’est-à-dire, croit-on, pathologique – tout individu anomal (porteur d’anomalies), c’est-à-dire aberrant par rapport à un type statistiquement défini62 ». Alors qu’un écart singulier peut être interprété de diverses manières, par exemple « comme un échec ou comme un essai, comme une faute ou comme une aventure63 », ce genre de dispositif paranoïaque va se mettre à le signaler comme une menace potentielle : « ALERTE ».
De façon assez ironique, c’est au sein même de sociétés dont l’idéologie dominante avait érigé en valeur sacrée la liberté individuelle de suivre sa propre way of life que la singularité d’un tel cheminement va finir par se signaler automatiquement comme suspecte. Mais il faut souligner que ceci ne repose plus, en l’occurrence, sur une logique disciplinaire. En utilisant des schémas chronospatiaux pour filtrer des comportements, ces dispositifs-là n’ont par eux-mêmes aucun modèle de conduite déterminé à imposer aux diverses vies qu’ils scrutent. Leur normativité sans norme est animée par une autre visée, par un autre genre d’appétit dévorant : repérer des écarts afin d’« acquérir des cibles », et ceci dans un mode de pensée où, les cibles étant inconnues, c’est l’inconnu qui devient cible. Une autre façon de le dire est que, dans de tels régimes de savoir et de pouvoir, une cible potentielle se signale fondamentalement comme une dérive.
Pour aller plus loin :
Bande annonce de Patterns of life par Julien Prévieux :
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En ligne sur le site de Jef Klak :
Géographies du drone. Les quatre lieux d’une guerre sans fontières, par Derek Gregory..
Traduction Émilien Bernard, avec le concours de Grégoire Chamayou, paru dans la revue anglaise Radical Philosophy 183 (janvier/février 2014)
Mortels algorithmes. Du code pénal au code létal, par Susan Schuppli.
Traduction Lucie Gerber, paru dans la revue Radical Philosophy 187 (sept/oct 2014).
- Guy Debord, « Théorie de la dérive », Les lèvres nues, Nº 9, novembre 1956, dans Internationale situationniste, Allia, Paris, 1985, p. 312. ↩
- Paul Henry Chombart de Lauwe, Paris et l’agglomération parisienne, Volume 1, Presses universitaires de France, Paris, 1952, p. 106. ↩
- Debord, op. cit. ↩
- <thecreatorsproject.vice.com/blog/turn-your-foursquare-check-in-data-into-jewelry>. ↩
- Johann Caspar Lavater, L’art de connaître les hommes par la physionomie, Prudhomme, Paris, 1806 (frontispice). ↩
- Ce qui ne veut évidemment pas dire par ailleurs que les logiques d’identification biométriques s’estomperaient en cédant la place à cette autre mode de représentation – loin de là. ↩
- Alcide d’Orbigny, Cours élémentaire de paléontologie et de géologie stratigraphiques, Premier volume, Masson, Paris, 1849, p. 27. ↩
- Planche tirée de Edward Hitchcock, Elementary Geology, New York, Ivison and Phinney, 1855, p. 187. ↩
- Kant, Critique de la faculté de juger, Vrin, Paris, 1993, p. 91. ↩
- Planches tirées de Kellom Tomlinson : The art of dancing explained by reading and figures (1735) voir <earlydance.org/content/6477-minuet>. ↩
- Frederick Winslow Taylor (1856-1915), ingénieur américain, promoteur le plus connu de l’organisation scientifique du travail et du management scientifique : le taylorisme. ↩
- Frank Bunker Gilbreth, Lillian Moller Gilbreth, Applied Motion Study : A Collection of Papers On the Efficient Method to Industrial Preparedness, Sturgis and Walton, New York, 1917, p. 46. ↩
- Photographie tirée du fonds du National Museum of American History, Behring Center, Division of Work and Industry Collection. ↩
- Gilbreth, op. cit., p. 207. ↩
- Sur ces notions, voir Georges Didi-Huberman, Phalènes, Éditions de Minuit, Paris 2013. ↩
- Caroline Chik, L’image paradoxale, Fixité et mouvement, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d’Ascq, 2011, p. 90. ↩
- Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, Paris, 1975, p. 153. ↩
- Gilbreth, op. cit., p. 46. ↩
- Ibid., p. 130. ↩
- Ibid., p. 91. ↩
- Le standard est non seulement le meilleur itinéraire gestuel en termes de productivité pour une activité donnée, mais aussi une norme transférable. En consultant une sorte de répertoire des gestes efficaces, on pourra, dans une logique de benchmarking avant la lettre, exporter d’un métier ou d’une profession à un autre le segment de geste le plus économe. Ibid. p. 92. ↩
- Ibid. p. 125. ↩
- Alfred Yarbus, Eye Movements and vision, Plenum press, New York, 1967. ↩
- Voir à ce propos le travail de l’artiste Julien Prévieux, « Esthétique des statistiques » dans Statactivisme : Comment lutter avec des nombres, Isabelle Bruno, Emmanuel Didier, Julien Prévieux (dir.), éd. Zones/La Découverte, Paris, 2014, <www.previeux.net/html/textes/statact.html>. ↩
- Yarbus, op. cit., p. 174. ↩
- <blog.normalmodes.com/blog/2009/09/28/eye-tracking-heatmap-gallery-a-preview-discussion-of-ui-considerations>. ↩
- Voir Stephanie Clifford, Quentin Hardy, « Big Data Hits Real Life », New York Times, 14/07/2013, <www.nytimes.com/2013/07/15/business/attention-shopper-stores-are-tracking-your-cell.html?pagewanted=all&_r=0>. ↩
- Capture d’écran de la video « Big Data Hits Real Life » par Erica Berenstein, site internet du New York Times, 14/07/2013, <www.nytimes.com/video/business/100000002206849/big-data-hits-real-life.html>. ↩
- Voir par exemple John R. Tester, Dwain W. Warner and William W.
Cochran, « A Radio-Tracking System for Studying Movements of Deer » dans The Journal of Wildlife Management Vol. 28, Nº 1 (Janv., 1964), pp. 42-45. ↩ - Planche tirée de Donald B. Siniff and John R. Tester, « Biotelemetry », BioScience, Vol. 15, Nº 2, (Févr.., 1965), pp. 104-108, p. 107. ↩
- « Anthropotelemetry : Dr. Schwitzgebel’s Machine », Harvard Law Review, Vol. 80, Nº 2 (Déc., 1966), pp. 403-421, p. 409. ↩
- Libido sciendi : désir de connaître. ↩
- <www.macwright.org/running> ↩
- Torsten Hägerstrand, « What about people in regional science ? », Papers of the Regional Science Association, Volume 24 (1), 1970, pp. 6–21, p. 10. ↩
- Tiré de B. Lenntorp, « A Time-Geographic Simulation Model of Individual Activity Programmes » dans T. Carlstein, D. Parkes and N. Thrift (éd.), Human activity and time geography, London, Edward Arnold, 1978, pp. 162-180. ↩
- Capture d’écran d’un graphe chronospatial obtenu avec le module de visualisation 3D ArcScene du logiciel ArcGIS de la société américaine ESRI : <web.utk.edu/~sshaw/NSF-Project-Website/pages/activities.html>. ↩
- Mark Monmonier, Spying with Maps: Surveillance Technologies and the Future of Privacy , University of Chicago Press, Chicago, 2004, p. 1. ↩
- David Harvey, The condition of postmodernity, Wiley-Blackwell, London, 1991, p. 211. ↩
- La NGA ou Agence nationale géospatiale est l’agence de renseignement américaine chargée de la collecte et de l’analyse de l’imagerie, par contraste avec la NSA, historiquement centrée sur les signaux électromagnétiques. ↩
- Derek Gregory, « Lines of descent », Open democracy, 8 novembre 2011, <www.opendemocracy.net/derek-gregory/lines-of-descent>. Sur les patterns of life, on se reportera à l’article de Derek Gregory publié dans Radical Philosophy et traduit dans le numéro Marabout de Jef Klak « Géographies du drone » et au livre Théorie du drone, Grégoire Chamayou, éd. La Fabrique. ↩
- Derek Gregory, « From a view to a kill: drones and late modern war », Theory, culture and society, 28 (6) (2011), pp. 188-215, p. 195 et 208. ↩
- Datamining : forage ou prospection de données. Le terme désigne un ensemble de méthodes informatiques visant à extraire du savoir pertinent à partir de masses de données brutes. ↩
- Ray Rimey,Jim Record, Dan Keefe, Levi Kennedy, Chris Cramer, « Network Exploitation Using WAMI Tracks », Defense Transformation and Net-Centric Systems, 27-28 avril 2011, Orlando. ↩
- Ibid. ↩
- Hägertsrand, op. cit., p. 9. ↩
- Ibid., p. 9 ↩
- Nigel Thrift, An introduction to time geography, Institute of British geographers, London, 1977, p. 6. ↩
- Gilles Deleuze, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », Pourparlers, Les Éditions de Minuit, Paris, 1990, pp. 240-247, p. 244. ↩
- « Formal analysis of 1935/3 : Grid dance », Paul Klee, Notebooks, Volume 2, The nature of nature, Lund Humphries, London, 1973, p. 284. (Ces figures explicatives sont en fait dues à l’éditeur du volume, Jürg Spiller). ↩
- <geographicalimaginations.com/tag/glenn-greenwald> ↩
- Ibid., p. 63. ↩
- Klee, op. cit., p. 285. ↩
- Ibid., p. 247. ↩
- Ibid., p. 234. ↩
- Mark Phillips, « A brief overview of ABI and Human Domain Analytics », Trajectory Magazine, 2012. <trajectorymagazine.com/web-exclusives/item/1369-human-domain-analytics.html>. ↩
- Edwin Tse, « Activity Based Intelligence Challenges », Northrop Grumman, IMSC Spring Retreat, 7 mars 2013. ↩
- Ibid. ↩
- « From data to decisions III », IBM Center for the Business of Government, nov. 2013, p. 32. <govexec.com/media/gbc/docs/pdfs_edit/111213cc1.pdf>. Ce qui implique, soit dit en passant d’étendre tendanciellement ce genre de surveillance ou de dataveillance renforcée à toutes les activités et à toutes les vies. ↩
- Kevin Streib, Matt Nedrich, Karthik Sankaranarayanan James W. Davis « Interactive Visualization and Behavior Analysis for Video Surveillance », SIAM Data Mining International Conference on datamining, Columbus, Ohio, 2010. ↩
- Richard.O. Lane, Keith.D. Copsey, Acte de conférence « Track anomaly detection with rhythm of life and bulk activity modeling », Information Fusion (FUSION), 2012, 15th International Conference. ↩
- Brett Borghetti, « Anomaly Detection Through Behavior Signatures », ISRCS Briefing, 10/08/2010. Dans cette présentation réalisée dans le cadre de l’Institut technologique de l’Air Force, un ingénieur expose les principes de la détection des anomalies comportementale par analyse d’imagerie video. <secure.inl.gov/isrcs2010/docs/abstracts/Borghetti.pdf>. ↩
- Georges Canguilhem, « Le normal et le pathologique », dans La connaissance de la vie, Vrin, Paris, 1992, p. 208. ↩
- Ibid., p. 205. ↩