Les yeux rivés sur l’écran, ses doigts agitent frénétiquement des tickets qui alignent d’obscures combinaisons de chiffres. Sur le zinc, un Paris-Turf griffonné a été abandonné aux côtés d’une bière déjà éventée. Depuis un PMU niché en Bretagne, entretien avec Patrick, joueur invétéré qui nous dévoile l’univers des paris hippiques à travers ses tentatives de débusquer la faille ultime et les rêves insondables de ceux qui veulent « jouer avec leurs émotions ».
Cet article est issu du quatrième numéro de la revue papier Jef Klak, « Ch’val de course », encore disponible en librairie.
Photos : Matthieu Grosjean.
26 Janvier 2017
Bar-PMU Le Narval
Quelque part dans les Côtes-d’Armor.
Premier muscadet.
Premier poteau
C’était il y a une quinzaine d’années. J’ai commencé à jouer tout bêtement en allant au rade qui se trouvait être un PMU. La télé était allumée et j’y voyais défiler continuellement des chevaux et des chiffres, un monde sur écran où tout m’était complètement étranger. J’ai alors mis une pièce sur un cheval, un peu au hasard en regardant les pronostics du Ouest-France, pour m’amuser. Au fil des jours, j’ai accordé une oreille de plus en plus attentive aux turfistes accoudés au bar, pourquoi ils misaient sur tel cheval plutôt qu’un autre. Lors des premiers paris, tu as souvent la chance du débutant, tu gagnes soudain 10 €, et ça te paie tes mousses. Les paris hippiques ne me paraissaient pas trop compliqués au premier abord et j’ai décidé de m’y pencher de plus près.
La première chose qui frappe dans les courses, c’est que tout est absolument structuré en fonction de l’argent. La base des paris, ce sont les cotes de chaque cheval. Elles fluctuent en fonction des mises totales des joueurs. Un cheval qui va partir favori, c’est-à-dire un cheval sur lequel beaucoup vont miser, va avoir une faible cote, comme 2 contre 1 – pour 1 euro de misé, 2 € gagnés. C’est logique, car on prend moins de risques en jouant un favori. En revanche, un cheval moins estimé aura une plus grosse cote, mais si tu as misé sur un cheval à 50 contre 1 et qu’il gagne, pour un euro misé tu empocheras 50 €.
Ensuite, il faut savoir qu’aux courses de trot, la valeur d’un cheval est d’abord définie par l’argent qu’il a gagné depuis le début de sa carrière. Et l’engagement d’un cheval dans une course va dépendre de cette valeur. On organise ainsi des courses auxquelles seuls peuvent participer des chevaux ayant gagné, depuis leur entrée en compétition, moins de 200 000 €. Dans cette même course, il peut y avoir un « recul », c’est-à-dire que les chevaux ayant gagné moins de 100 000 € partent avec 25 m d’avance. Il y a alors deux poteaux de départ et on dit de ceux qui partent du second poteau, les plus riches donc, qu’ils « rendent la distance ».
À mes débuts, j’ai remarqué que ces trotteurs qui partaient 25 m derrière avaient bien du mal à combler leur handicap initial. Je me suis donc décidé à tenter des trios – un jeu du PMU où il faut trouver les trois premiers de la course – composés uniquement de chevaux du premier poteau. Et bingo : c’est arrivé. J’ai touché 1 500 balles. Pour moi, c’était de la folie pure, je ne pensais pas gagner autant et si facilement, d’autant plus que c’était une période où, à force de jouer régulièrement, je commençais à perdre des sous. Dès le lendemain, je me suis acheté un scooter tout neuf et, pas peu fier, je me suis pointé au PMU. Les vieux turfistes se marraient parce qu’ils connaissent bien ce sentiment particulier où, pour la première fois, on « touche » un joli paquet de billets grâce aux courses. C’est à partir de ce moment-là que j’ai plongé dedans…
Les arcanes du trot
J’ai tout de suite réfléchi à comment systématiser ma façon de parier en jouant des trios sur ces chevaux qui partent du premier poteau. Évidemment, une fois la chance du débutant passée, j’ai perdu de l’argent. Mais j’ai continué à suivre le trot car c’est une discipline plus rationnelle. Beaucoup de paramètres sont affichés sur la feuille de course, contrairement au galop, où il est plus difficile de connaître en amont la valeur potentielle d’un cheval.
Au trot, il existe ainsi ce qu’on appelle les réductions kilométriques, c’est-à-dire le chronomètre du cheval sur une distance et un hippodrome donnés, ce qui permet d’étalonner les valeurs. L’hippodrome de référence est celui de Vincennes. Il est surnommé le « temple du trot » car on y organise les plus belles courses de l’année, notamment le prix d’Amérique en janvier.
Il faut aussi distinguer le trot attelé, avec un sulky 1, du trot monté, où le cavalier est directement sur le cheval. La discipline a été révolutionnée il y a quinze ans car, auparavant, les jockeys se tenaient droit sur le cheval avec les étriers très bas. Mais un Belge, Philippe Masschaele, a raccourci ses étriers et monté le cheval plus près de l’encolure 2. Durant deux ans, il a survolé le trot monté. Tout le monde ne parlait que de lui dans les PMU jusqu’à ce que cette technique se généralise. Dans le monde du turf, les techniques et les paramètres de courses évoluent sans cesse.
Vincennes, meeting d’hiver
15 h 20 : prix de la Valette, trot attelé, 2 100 m, départ à l’autostart.
Tonnerre de Retz (no 2) joué en simple gagnant : cote 7,5 contre 1.
Casaque à damier noir et rouge
Arrivée : 17 – 10 – 6 – 8 – 16
Un demi suivi d’un deuxième muscadet.
Le mythe du tuyau
Chaque entraîneur choisit les courses auxquelles il va participer. Mais imaginons qu’un de ses chevaux a déjà gagné 99 000 € depuis le début de sa carrière et que, dans deux semaines, un grand prix doit se courir à Vincennes, où les chevaux qui ont gagné plus de 100 000 € partent avec 25 m de recul. Avant cette course – l’« engagement visé » –, l’entraîneur engagera son trotteur sans le pousser, car s’il ne prend ne serait-ce que 1 000 € de gains, le cheval partira avec 25 m de recul deux semaines plus tard à Vincennes. Tant pis pour les pigeons qui auront joué le cheval lors de ses courses de préparation.
Un turfiste lambda ne peut pas toujours savoir quand un trotteur est en phase de préparation, et ce qu’on appelle un « tuyau », c’est par exemple connaître le programme d’entraînement du cheval. Pour cela, il faut être dans l’entourage de l’entraîneur, mais, en Bretagne, nous sommes dans une région où il y a très peu d’écuries, contrairement à la Normandie et à la Mayenne, où tout le monde connaît dans son voisinage un entraîneur, même petit, ou bien un lad 3 qui vient boire son coup au bistrot. Les bons tuyaux sont cependant très rares. Depuis que je joue, j’ai dû en avoir cinq ou six maximum.
Au galop, certains entraîneurs vont « bigorner » un cheval. Ils le font courir plusieurs fois « en sous-régime », en retrait, afin que les turfistes l’identifient comme un piètre compétiteur. Mais lors de la course visée, le jockey va pousser à fond le cheval pour arriver parmi les premiers. Sauf que, bien évidement, personne n’aura parié dessus et il affichera une belle cote. Seuls ceux qui auront le tuyau miseront sur ce cheval 4.
Un jour, un copain turfiste m’a appelé. Il me confie avoir un tuyau en béton obtenu après avoir croisé une connaissance, qui est pote avec le fils d’un entraîneur… Le cheval était assez jeune et il avait une petite cote de 4 contre 1. J’étais plus que dubitatif. En arrivant au bar, j’en parle aux autres – un tuyau, ça peut se partager, dans un PMU, ça cause – et un joueur me confie que, pour cette course au galop, il possédait également un tuyau. C’était inouï car c’est un fait rarissime dans ce PMU : deux tuyaux pour la même course… Et sur un cheval différent qui plus est ! Je décide alors de miser 10 € sur mon tuyau et 10 € en couplé gagnant sur nos deux chevaux (pour toucher un couplé gagnant, il faut trouver les deux premiers de la course). L’autre turfiste joue de la même façon en mettant 10 € sur son propre tuyau. Mon cheval est arrivé en tête, et le sien, deuxième. Incroyable. Et cela s’est joué d’une tête !
Brèves de comptoir
Les PMU, c’est un monde à part. La plupart des personnes qui y traînent viennent régulièrement jouer un petit quinté en misant moins de 10 €. Ils prennent le journal sur le zinc et regardent les cotes des chevaux le matin. De temps en temps, rarement, l’un d’eux touche un beau rapport et parfois même le pactole, mais sur la durée, ils perdent de l’argent. Depuis quinze ans que je joue aux courses, je n’ai jamais touché un quinté dans l’ordre. Le quinté, c’est comme le loto, un espoir de gain immense, mais en vérité très peu de chances de l’obtenir.
Il existe aussi des joueurs compulsifs. Dans mon PMU, on voyait tous les trois mois débouler un gars un peu friqué, un vrai malade. Il se mettait devant l’écran pour bien écouter ce que disaient les commentateurs de la chaîne télé Equidia. S’il y a bien un truc qu’il ne faut pas faire quand tu joues, c’est écouter ce qui se dit en direct, car ça va t’emmêler les pinceaux. Avec des liasses de billets de 100 € en main, le gus ne jouait que sur un cheval, à l’oral, en disant ostensiblement au patron du PMU : « Mets 500 € sur tel cheval ! » Il ne touchait jamais rien. Je pense qu’il venait pour se donner des frissons, mais il incarnait un vrai phénomène de foire pour nous. On avait aussi un type avec un feeling terrible. Il prenait juste le Télégramme au comptoir pour voir les partants, il avait une super mémoire des chevaux et il ne picolait pas durant les courses. Comme il ne jouait jamais les favoris, les fois où il gagnait, il touchait de belles sommes. Cette faculté à « sentir les coups », je sais que je ne l’ai pas : j’ai besoin de me raccrocher à une méthode.
Quand tu vas au guichet enregistrer ton ticket, tu joues au vu et au su de tout le monde, chacun peut voir l’argent que tu sors et deviner si tu fais de grosses mises ou pas. Certains connaissent le patron et n’hésitent pas à lui demander combien telle personne a parié. C’est une pression collective parfois pénible, car si tu joues une grosse somme et que tu perds, tu passes inévitablement pour un con. Inversement, certains se font chambrer parce qu’ils jouent des petites sommes, sur des couplés de favoris. Et puis, il y a toujours le gros malin qui frime en touchant ses gains, mais tu ne sauras jamais tout ce qu’il a perdu les jours d’avant… Désormais, les PMU sont équipés de bornes automatiques sur lesquelles tu peux jouer discrètement dans ton coin et personne ne peut deviner ce que tu joues et mises. Avec le guichet, il y a une sorte de contrôle social et un sens minimum de l’honneur empêche certains de se mettre sur la paille, mais avec les machines et les paris sur internet, tout est caché.
J’avoue que je suis parfois lassé de fréquenter les PMU. D’abord, on boit des coups. Quand, plusieurs jours de suite, tu joues tous les après-midis sans rien toucher, en ajoutant les bières et l’achat quotidien du Paris-Turf, le trou dans ton portefeuille devient vite énorme. Et puis, je suis fatigué par certains turfistes. J’ai un dicton personnel depuis que je les fréquente : « menteur comme un turfiste ». Quand un joueur gagne une belle somme, tout le monde est au courant : il va à minima payer sa tournée. Deux ans après, tu l’entendras la ramener encore et encore avec le « gros coup » qu’il a touché avec un cheval à 20 contre 1. Mais avant de toucher ce gain, combien d’argent a-t-il perdu ? Certains sont mythomanes, sur leurs jeux, leurs mises et leurs gains, mais c’est aussi une question de fierté, car il faut garder la tête haute vis-à-vis des autres au bar, même quand on perd plusieurs courses de suite. Faut cependant pas non plus tout noircir, il y a des habitués avec qui je suis content de boire un coup et de montrer mes jeux. C’est souvent avec ceux qui la ramènent le moins que je m’entends le mieux.
15 h 55 : prix de Vienne-Krieau, trot monté, 2 175 m.
Belle katie (no 4) et Bella dolce serrata (no 11) en couplé gagnant/placé
Arrivée provisoire : 4 – 6 – 11 – 3 – 10
Enquête sur les allures du no 4
Arrivée définitive : 6 – 11 – 3 – 10
Dépit total. Quatrième muscadet.
Algorithmes artisanaux
Les paris hippiques brassent énormément d’argent en France. La société PMU est le premier opérateur de paris en Europe, et le troisième dans le monde. Les courses font aussi partie des jeux de hasard les plus taxés. En gros, 15 % des paris engagés sont reversés à l’état et 15 % vont dans les caisses de la société PMU. Je suis au RSA, alors quand quelqu’un me dit que je profite du système, je lui rappelle en rigolant que je paie des impôts monstrueux chaque semaine.
En m’intéressant au traditionnel meeting d’hiver de Vincennes – les favoris y sont généralement plutôt fiables –, je me suis rapidement mis à la recherche de principes de jeu, car si tu n’en as aucun, c’est la banqueroute assurée. Le but était de trouver une sorte de « martingale », c’est-à-dire une façon de jouer qui t’assure un minimum de gains.
En cumulant depuis trois ans les Paris-Turf que j’achetais tous les jours, j’ai donc commencé à prendre assidûment des notes et à faire des probabilités à la calculette sur tout et n’importe quoi. J’étais un acharné, mais la seule façon de gagner de l’argent aux jeux, c’est de se prendre la tête. Ça me plaît bien : c’est aussi un jeu de débusquer la faille. Avant tout, pour moi, ça reste un amusement et non un travail pénible. Au bout du compte, je ne trouvais aucun principe rationnel qui permettait de jouer à chaque fois les yeux fermés.
À force de m’entêter, j’ai quand même remarqué dans mes calculs que les chevaux dits « déferrés » apparaissaient régulièrement parmi les combinaisons gagnantes. Au trot, il y a une pratique fondamentale, c’est le déferrage, c’est-à-dire le fait d’enlever les fers cloués sous les sabots juste avant la course. Le cheval a alors beaucoup moins de poids sous les pieds. Un vétérinaire prétend même que l’absence de clous dans les sabots d’un cheval produit un effet comparable à l’injection d’EPO, car cela améliorerait la circulation du sang.
On parlait peu de déferrage dans les PMU et, en parallèle, je suis tombé sur un article de l’Association nationale des turfistes (ANT), une sorte de syndicat de joueurs, qui affirmait que la seule façon de gagner de l’argent, c’était de miser sur les déferrés. Me voilà donc à réaliser tous les calculs possibles et j’ai découvert que si je jouais systématiquement tous les chevaux déferrés des quatre pieds avec une cote supérieure à 10 contre 1, c’était rentable.
Au meeting d’hiver de Vincennes, j’ai donc parié en utilisant cette martingale et j’ai commencé à gagner de l’argent. Tout bêtement, ça marchait. Cependant, je rejouais souvent mes gains sur d’autres courses pour tenter d’autres combinaisons qui ne fonctionnaient que trop rarement. Quand tu as le vice du jeu, de toute façon, c’est compliqué de gagner des sous, il faut savoir s’astreindre à une stricte discipline.
L’année d’après, je me suis penché sur les tiercés. J’ai constaté, d’après les rapports des années précédentes, que si on jouait systématiquement les déferrés des quatre pieds dans les tiercés, en leur adjoignant les deux favoris de la course, on était gagnant dans la limite où on ne jouait pas plus de sept chevaux et dans tous les ordres possibles.
Martingale collective
Le problème, à terme, c’est qu’un tiercé en sept chevaux, dans tous les ordres, revient cher : 210 €. J’ai mis dans la confidence trois copains en leur montrant mes petits calculs de probabilités et on a mis 1 000 € chacun dans une caisse commune. À tour de rôle, on allait jouer notre tiercé en sept chevaux.
Un autre problème est vite apparu. À l’époque, l’annonce des déferrés dans les programmes de course n’était pas définitive, c’était une simple intention : l’entraîneur prenait sa décision véritable une demi-heure avant la course. Il fallait donc réagir assez vite. Surtout, il fallait savoir quels favoris on allait rajouter en plus des chevaux déferrés. Bref, la pratique, comme partout ailleurs, était moins évidente que la théorie.
Ce qui nous a aussi souvent plombé, c’était lorsque le nombre de déferrés devenait important. Car on ne pouvait pas tous les jouer, le coût du ticket étant trop élevé. C’est ainsi qu’un jour où il y avait une dizaine de chevaux déferrés au départ, on a raté un tiercé faramineux, car on avait fait l’impasse sur le cheval qui a gagné la course à la cote de 103 contre 1 ! Le nom du canasson, c’était Jacquemarde – on n’est pas près de l’oublier celui-là.
Au final, sur cette martingale, on a quand même empoché à peu près 1 500 € chacun. C’est honorable, mais on a le sentiment qu’on aurait pu faire mieux. Nous avons recommencé l’année suivante, mais la presse commençait à s’épancher de plus en plus sur les chevaux déferrés. Auparavant, dans les PMU, quand j’évoquais le déferrage, on me prenait pour un farfelu. Deux ans plus tard, tout le monde ne parlait que de ça.
Comme les turfistes ne savaient qu’au dernier moment quels chevaux allaient être réellement déferrés, ceux qui jouaient le matin, c’est-à-dire ceux qui bossaient et ne pouvaient pas être devant la télé pour la course l’après-midi, se sont sentis lésés. L’ANT a alors commencé à protester et le Paris-Turf publiait des courriers des lecteurs qui demandaient à ce que l’entraîneur n’ait plus le droit de revenir sur sa décision de déferrer ou non. Cela a tout changé, car les joueurs du matin ont pu miser sur ces chevaux, diminuant par là-même leurs cotes. Quant aux entraîneurs, ils se sont rapidement rendu compte que c’était impossible ou presque de gagner une grande course sans enlever les fers de leur cheval. Il n’est pas rare aujourd’hui d’avoir une quinzaine de chevaux déferrés au départ d’un quinté, rendant par là même notre martingale obsolète.
Peu à peu, on a arrêté de jouer collectivement. Parce que nos principes étaient éventés, mais aussi parce que tout ça est vraiment prenant, obsédant. Tu finis par ne penser qu’à ça, jour et nuit. L’annonce des chevaux déferrés au dernier moment était trop stressante. Tu as toujours peur, dans la précipitation, de te tromper sur ton ticket, de cocher un mauvais numéro. Ou alors, parce qu’il y a la queue au guichet, de ne pas avoir le temps de valider ton ticket. Quand tu joues tout seul, si tu fais une erreur, c’est pour ta pomme. Mais quand tu es à plusieurs, c’est pas la même musique.
Sinon, pour moi qui jouais dans un petit bled, il y avait le problème de sortir des grosses sommes au guichet. Ça bavasse vite à tort et à travers au PMU. Quand tu perds plusieurs jours d’affilée, ça devient compliqué à assumer. Tu vas pas commencer à justifier que tu as perdu 1 000 balles et que c’est pas grave parce que tu en avais gagné 2 000 la semaine précédente. Tu ne dis rien, on te regarde bizarrement, et c’est sacrément désagréable. J’ai d’ailleurs vite compris que le plus simple était d’aller jouer ailleurs, plus loin… Et je faisais régulièrement 25 km en scooter pour mes gros tickets. Aujourd’hui, avec les bornes automatiques, tu n’as plus ce genre de soucis.
16 h 30 : prix de Gelsenkirchen, trot attelé, 2 700 m.
Pick 5 champ total : 3-8-9-12-x
Arrivée : 3 – 12 -10 – 8 – 9
Bingo ! Deuxième demi, cinquième muscadet.
Le roi fainéant
À trop vouloir optimiser tel ou tel paramètre, tu te retrouves à ne plus laisser de place au hasard, celui-là même qui permet un gros gain. Les meilleurs turfistes sont ceux qui jouent simplement, en s’en tenant à un ou deux principes, sans être trop cartésien et en laissant une part à l’inspiration. Au-delà du jeu, les courses sont aussi un sport, et j’y ai pris goût. Parfois, je ne mise pas un kopek, ça me plaît de voir courir les bons chevaux, surtout quand tu les connais et que tu les vois évoluer depuis qu’ils sont poulains. C’est en cela aussi que le trot est plus populaire. Au galop, les chevaux ont une carrière très courte car trop souvent, après une belle victoire, ils rentrent au haras pour être rentabilisés comme étalon reproducteur. Ready cash, une des dernières stars de Vincennes, je l’ai suivi depuis ses 2 ans. Je l’ai vu gagner ses premières courses, puis son premier prix d’Amérique à 8 ans.
Je ne suis jamais monté sur un cheval, mais ce que j’entends dire partout, c’est que ce n’est pas non plus un animal très intelligent. Il peut y avoir des exceptions comme Ourasi, un cheval qui aux dires de ceux qui l’ont côtoyé était impressionnant par son intelligence. Il a été quadruple vainqueur du prix d’Amérique dans les années 1980. Son surnom, c’était le roi fainéant car il avait cette particularité de ne jamais fournir un effort superflu. Il faisait toujours le minimum durant les entraînements et les échauffements. Lors des compétitions, il était souvent en retrait puis venait finir comme une balle, remportant alors la course d’une tête.
PMU 2.0
L’arrivée d’internet a changé beaucoup de choses dans les paris hippiques. Moins de turfistes se déplacent désormais au PMU. Tu peux jouer au chaud chez toi, sans consommer et sans acheter le Paris-Turf car il existe de très bons sites qui recensent à long terme les performances des chevaux.
Internet a également participé à vider les hippodromes. Les tribunes sont aux trois quarts vides à part certains week-ends. C’est devenu glauque, entre les restaurants avec vue panoramique où l’on mange mal pour une fortune et les vaines tentatives d’attirer le chaland à Vincennes à travers des nocturnes, des soirées créoles ou spécial célibataires…
Certains turfistes traînent toujours dans les sous-sols pour suivre au plus près les cotes. Ils se disent peut-être qu’en étant à Vincennes, il y a un tuyau qui va fuiter. Et puis, contrairement à la télé, on peut apprécier directement la forme physique des chevaux durant les heats – l’échauffement du cheval avant la course – et les canters – le dernier trot poussé quelques minutes avant le départ. Si tu as l’œil, tu peux repérer un cheval et foncer au guichet.
Le nombre de courses par jour a considérablement augmenté entre-temps. Auparavant, on pouvait assister à huit courses dans l’après-midi qui débutaient à 14 h. Toutes les demi-heures, il y avait un nouveau départ, ce qui laissait le temps de faire tranquillement ses jeux. C’était un rythme paisible que j’appréciais. On est passé aujourd’hui à 32 courses minimum par jour dès midi. À 18 h, des courses à Valparaiso au Chili ou à Meydan aux émirats arabes unis sont diffusées. C’est absurde, car personne ici ne connaît ces chevaux, mais ils misent sur le fait que c’est l’heure de l’apéro et que tu vas être tenté de mettre une petite pièce sur un cheval. Avec la concurrence des autres paris sportifs et de certains sites web qui ont l’autorisation de prendre les paris, le volume d’enjeux a diminué et le PMU a voulu compenser en proposant plus de courses. Il existe même certaines courses où tu peux uniquement parier sur internet et non pas « en dur », au PMU du coin.
Pour ma part, je prends toujours une à deux heures pour bien étudier les chevaux sur les différents sites, leur « musique » – leurs derniers résultats en course – et préparer mes jeux pour mon petit quinté. Cela fait partie du plaisir, il y a un côté artisanal que j’aime beaucoup : l’art du bon ticket ! Je parie plus modestement, sans gagner de grosses sommes ; je considère ça comme un loisir. Mon but premier, c’est de me rembourser, donc je réalise la moitié de mes tickets assez prudemment, et une autre moitié où je vais parfois tenter des coups. J’ai toujours quelques principes de jeu, mais je choisis mes courses au hasard et je joue désormais sans grande méthode, un peu au petit bonheur la chance…
17 h 00 : prix des Baléares, trot attelé sur la petite piste, 2 875 m.
Danube des baux (no 8) joué en simple gagnant : cote 4,9 contre 1
Arrivée : 8 – 9 – 7 – 6
Tournée générale.
Retrouvez le travail photographique de Matthieu Grosjean sur son site, ou bien écrivez-lui à l’adresse mail matthieu_gr{arobase}hotmail.com.