Montage : Julien Reydel
Trois jours avant la mort de Rémi Fraisse, le 23 octobre à l’aube, quelque part dans le Tarn, un troupeau de brebis quitte sa bergerie pour une transhumance hors norme jusqu’à la ZAD du Testet. Récit d’une solidarité animale et animée pour la lutte du Testet, en images et en murmures.
Nombreux-ses sont celles et ceux qui attendent le départ pour suivre la marche. La veille déjà, bergers et bergères se sont affairé-e-s pour réunir le nécessaire : du pain, de l’eau, des complices, un message. Car si le but d’une transhumance est d’aller « de l’autre côté de la terre », il ne s’agit pas pour l’heure de mener le troupeau vers de plus verts pâturages, mais bien de faire entendre des voix à travers une marche symbolique.
Les bergers et bergères de la transhumance qui ont choisi de prêter main forte à la mobilisation du 25 Octobre 2014 au Testet font partie du collectif Faut pas puçer, en lutte contre le puçage et le traçage des brebis, les contrôles systématiques de l’administration et l’innovation technologique qui les dépossèdent de leurs pratiques d’élevage.
C’est donc derrière une banderole dénonçant la barbarie industrielle que la transhumance a débarqué sur le site de Sivens, en solidarité aux zadistes. Barbarie envers les éleveurs, tant vis-à-vis de leurs conditions de travail que du rapport à l’animal qu’on leur impose ; barbarie également envers la nature, asservie à des intérêts économiques…
Derrière un même message, des horizons divers se sont joints à l’aventure : « En venant, on connaissait très peu de personnes. Mais en marchant des heures sous le soleil, autour des feux de camps, on n’a pas besoin d’une carte de visite pour s’apprécier : il suffit simplement d’un coup d’œil, d’un mot, et c’est parti. » Normands luttant contre le nucléaire, Espagnols en vadrouille, clowns en devenir, étudiants en cinéma, famille d’un berger, amis d’une bergère, voyageurs en tous genres, bambins, papas, vieux, jeunes, mamans ou grands-mères : tou-te-s sont venu-e-s rallier leur énergie singulière à la marche collective. Une marche de trois jours rythmée par l’idée de transgression – des temps modernes ou du discours dominant. Le temps n’est alors plus « l’ennemi de la compréhension », mais l’occasion de créer un nouveau discours à partir d’une expérience partagée.
À leur arrivée sur le site du Testet, les brebis ont tourné le dos aux homélies institutionnelles. Faisant fi des José Bové et Mélenchon présents sur le site, elles ont préféré à leur discours celui qui s’est fabriqué durant la marche : des discussions, des feux aux cèpes de vignes, de la musique, des chants occitans et des repas partagés. Un moment de création et de construction comme lutte contre le discours préfabriqué et la destruction programmée. « Au lieu de chialer dans son coin, vaut mieux gueuler un coup ! »
• Procès suite aux manifestations interdites pour Rémi, le 16 janvier 2015
À lire également, voir ou écouter sur le sujet :
• Le site Contre le puçage;
• Le récit de l’occupation à Cachan de l’administration agricole en soutien à deux éleveurs opposés au puçage électronique de leurs brebis : http://paris-luttes.info/occupation-a-cachan-de-l
• Tract en soutien à Laurent et Nathalie du collectif Faut pas pucer;
• Une émission de France Culture : Les pieds sur terre, consacrée à la situation de Laurent et Nathalie;
• Lettre de Yannick Ogor à l’administration agricole française, au sujet de l’identification électronique des animaux d’élevage et de la traçabilité des denrées alimentaires : http://synaps-audiovisuel.fr/mouton/wp-content/uploads/2014/07/Lettre-ouverte-à-ceux-qui-2.pdf;
• Le film Mouton 2.0;
• Bastamag : Traçabilité alimentaire : la puce électronique pour les élevages est-elle vraiment la solution ?;
• La résistance au puçage continue…, une émission de radio Canut consacrée au sujet.